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Lycée Ozenne                                   Performances

là immédiat, qu’elle a transformé et élargi notre champ de pensée. Elle nous rend
l’émerveillement devant la goutte d’eau, devant la brindille approchée de l’enfance.

Quant à l’artiste, elle parle « d’infiltration poétique dans le réel » et dit  : « Un
souffle est appliqué sur des échantillons d’ocres issues du site du Colorado Provençal
de Rustrel. Faisant écho à l’érosion provenant des interventions humaines dues à
l’exploitation jusqu’au xxe siècle et au modelage opéré par les phénomènes naturels,
vent, pluie, cette action renvoie à la géologie et aux nombreuses transformations qui
ont façonné ces carrières apparues il y a plusieurs années après le retrait de la mer.
Un phénomène naturel, un détail du quotidien, une matière, constituent un terrain
de jeu dans lequel j’explore et ausculte méticuleusement. J’éprouve une certaine
fascination pour les traces, les interstices et les matières infimes dont l’échelle nous
échappe, tout comme leur omniprésence dans notre quotidien. »

L’écriture vidéo est fidèle à cet esprit. Des vidéos brèves, sans paroles. Des vidéos
dédiées au simple dont se décèle « l’infra-ordinaire » ; l’évidente et sereine beauté.

Ainsi de la trace de la performance, sans ajout pour que le souffle s’appréhende
encore ce qu’adopte le titre premier.

mère et du père intervenant.  Ainsi de Apnée, film footage de bébés nageurs,
                              qui ne succombe pas au bruitage de leur plaisir
                              pourtant évident, de leurs battements de bras et
                              de jambes, d’exclamations des parents qui les
                              rattrapent. Seuls le bruit logique de l’eau et la
                              respiration essentielle s’en mêlent. Les enfants
                              filmés individuellement, sourient yeux fermés,
                              yeux ouverts dans le bonheur de retrouver
                              l’apnée, de se mouvoir ; les changements d’axe
                              reconnaissent la même attitude d’eux et de la

Et dans le geste artistique inverse à celui de fondation de ses photographies puisqu’ici,
le référent filmé reste le vu mais pourtant dans la même fidélité au double vu, à
l’interstice du réel habituel, le film porte des traces de matérialité.

Chaque photogramme a reçu un traitement d’une composition d’eau et de
calcaire, au-delà de la nage et des enfants, c’est la matérialité du support rendue
sensible. Taches, formes éclaboussées, Apnée n’est pas un constat du simple arrêt
de la respiration pour se mouvoir dans le milieu aquatique mais un moment de
reconnaissance et d’exposition du matériau sous-jacent au film.

                              Simone Dompeyre

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