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Performances Cinémathèque de Toulouse
Cinémathèque de Toulouse
Cindy Cordt, Une présentation invitant à la réflexion
20min | Allemagne
crédit photo : Kaëlis Robert
Cindy Cordt est debout, elle porte
une combinaison noire. Sa tenue
induit en moi, l’idée de mouvement.
Je l’imagine sauter, grimper, courir or
elle s’agenouille sur une planche en bois.
Face à elle, deux pots de verre, remplis
d’éléments argentés et un marteau.
Elle s’agenouille puis tel un chat
pioche dans l’un des pots et accroche
à sa combinaison, un bijou, puis un
autre semblable et encore un autre, sur
le dos, dans des endroits improbables.
Le bijou semble absurde ; le corps encombré, de cet apparat ostentatoire ; la tâche,
contraignante. En cercle, autour, d’elle, le public est bruyant. J’essaie d’imaginer le
son des bijoux, le bruit du tissu... Elle pioche dans l’autre pot de verre, prend un
clou et se saisit du marteau. Elle cloue maintenant. Elle abandonne le bijou pour
clouer peu à peu de chaque côté, son corps à la planche, d’abord à quatre pattes,
puis s’allongeant peu à peu tandis que sa tâche progresse des pieds aux mains.
Tandis qu’elle donne difficilement des coups de marteau au niveau de sa cuisse, j’ai
très envie de l’aider. C’est alors que j’entends une voix à côté de moi : « J’ai envie
d’aller l’aider, elle a l’air de souffrir ». « Moi aussi », je lui réponds... Nous voulons
éviter ses contorsions difficiles. Mais la planche, s’impose comme une limite entre
la performeuse et nous. Nous ne la franchirons pas. Elle est dans son espace et cette
tâche qu’elle s’est fixée, elle doit l’accomplir seule à force de concentration et de
persévérance. Je m’aperçois à ce moment-là que je n’entends plus le public, est-il
lui aussi, maintenant uniquement préoccupé par cette tâche que la performeuse
doit accomplir ? Ou la force de l’image me fait-elle oublier le son ? Elle termine
tant bien que mal de clouer chacun de ses doigts (le tissu de sa combinaison du
moins) à la planche. Nous nous apercevons avec ma voisine que le clou au niveau
de sa cuisse a sauté. Puis elle, entreprend de se libérer de cette contrainte qu’elle
s’est elle-même fixée, des entraves qu’elle a lentement construites. La libération est
plus rapide mais non moins méticuleuse et progressive. Chaque position de corps
est précise, afin d’exercer la juste force. C’est avec un grand soulagement que nous
voyons enfin « sauter les clous » et quand pour finir, elle tire enfin sur ses doigts
entravés, nous sommes heureux de la voir se redresser.
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