Page 100 - catalogue_2012
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Till PENZEK, Jon FRICKEY


Bankenkrise
LA CRISE BANCAIRE


Ce syntagme “la crise bancaire” est devenu la litanie des gouvernements censée justifier la
dégradation du mode de vie des populations et entraîner l’acceptation par celles-là de dons de sommes
vertigineuses aux banques…
De multiples titres des journaux, pas plus que la mise toutes les bouches de ce qui sonne comme un
slogan, n’ont en rien moralisé le système de la spéculation ni les fermetures d’emplois.
L’animation de Till Penzek se fait le pamphlet, en une écriture des plus simples, de cette aliénante
explication des systèmes, alors que le titre et sous-titre sans ambiguïté - Bankenkrise (Financial crisis) -
dénomme un jeu conseillé et expliqué aux enfants.
Retenant la tonalité pédagogique d’un tel jeu, les phrases sont simples avec les verbes
« pouvoir » ou « choisir » ôtant la moindre inquiétude ; avec des impératifs, indiquant la marche à suivre
et un ton qui préfère l’exclamative de l’enjouement quand les explications se cantonnent aux assertions.
Le pédagogique s’abandonne au publicitaire simpliste, embarqué par une musique de foire, de jeux type
voitures tamponneuses ou machines à sous.
Même simplicité pour le dessin, deux figures géométriques élémentaires forment l’ensemble des motifs ou
presque, les têtes et leurs traits et corps suivent le cercle ou l’arc de cercle ; le rectangle du chemin à
suivre est dupliqué en interne selon le modèle du Monopoly.
Les éléments à acheter et à mouvoir distinguent les banques seulement par des couleurs franches.
Le plan frontal pour les deux enfants joueurs, le gros plan pour les tickets de risque, les boîtes de
sardines expirées, le plan moyen pour la machine « à spéculer », grossissement type jouet de plastique
d’un appareil de bureau à découper le papier en lanières… les billets d’Euro qui volètent ne sont pas plus
réalistes.
La parodie n’est pas vaine ; le jeu n’est pas seulement du divertissement ou bien faudrait-il
revenir aux textes sérieux et pascaliens et à la définition de cette pratique ; Pascal reconnaît au jeu une
fonction pragmatique, il protège l’homme du désespoir, sa misère serait trop lourde pour vivre sans le jeu
mais les hommes s’y jettent comme s’il devait les rendre véritablement heureux en oubliant qu’ils en sont
les propres inventeurs. En prenant au sérieux ce qui n’est que jeu, les hommes se détournent du seul
moyen de dépasser leur triste nature d’humain, ce que Pascal, en 1669, voit en la divinité.
En 2012, se divertir continue d’empêcher de se poser les questions sur la réalité… dont celle dite de crise.
Cependant, le retour à l’étymologie s’impose d’autant que la première acception, fin du XVème siècle,
dénotait une pratique financière de détournement, s’affiche, d’un héritage. Distraire s’avère une variation
de soustraire, bien avant celle associée d’abord puis isolément, à plaisir et à loisirs : distraire et se
distraire.
Plus simplement et quasi inversement le jeu a une nécessité et un fondement sociaux : par le
jeu, comme par le conte, l’idéologie sous-jacente s’empare des esprits en formation. Le Monopoly
entraînait à l’évidence d’acheter des maisons et des immeubles au détriment des autres, et des jeux
d’apprentissage de potentiels futurs traders doivent provoquer une même évidence de cette soif de
spéculation rien de moins qu’intellectuelle.
Deux enfants, garçon et fille, la parité est de bon aloi pour imprégner de l’idéologie libérale. Ainsi ce sont
deux enfants qui s’animent et applaudissent le flux financier.
Bankenkrise en ses deux minutes ludiques rassemble le premier sens de distraire l’argent - donné comme
modèle aux enfants qui recevraient ce jeu - au second de prendre plaisir sans se poser de questions et
mine de rien glisse que ce sont les populations qui ont subi et subissent les à coups de ces investisse-
ments sur le rien, ou sur du mauvais- métonymie des sardines avariées - qui doivent payer la note.
L’animation c’est plaisamment sérieux.
Simone Dompeyre




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