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FLATFORM




Lui d’emblée détruit cette approche nette, il use de termes de la réflexion.
Il les tisse à la première approche, une phrase du site, il tisse une phrase plus proche du sens et plus
éloignée à la fois de la spécificité du lieu.
Cela part fort, abstraitement : « il y a des espaces où le mouvement débute une fois et éternel-
lement ». Il ajoute au lieu-dit, la spatialité et à cette spatialité, la temporalité. Celle intangible de la pensée
en actes, celle qui embrasse le présent des actes comme espace du possible et non du définitif.
Cependant cette approche suit un très gros plan sonore de respiration – d’un homme qui court non
désigné - et d’envol d’oiseaux énorme. Une bourrasque sonore ne perturbe pas l’espace du réel mais elle
déclenche le point de vue théorique.
Le discours dépasse le métalinguistique même quand il emploie des termes dénotatifs comme
« clôtures » celles que le point de vue impose, en s’érigeant comme le seul, « global et absolu », puisque
ce plan, décidé empêche tout autre, tout autre plan. Le monoscopique limite la vision sans que le
regardeur s’en inquiète. Le champ – avec le plaisir du polysémique - campo prairie, campo espace
cinématographique. Le champ s’avère la potentialité avérée à cet instant ; ainsi ore 11.42 à cet instant
précis, cela se fait, comme aurait pu ne pas se faire : « dans la normalité se loge l’impondérable… le
possible n’est qu’une figure de l’impossible. ». L’image déborde l’absolu pour se lier au temps des hommes
ceux qui courent, jouent, distribuent les lettres comme ceux qui font le film.
Dès lors, le paysage y déborde sa définition puisque s’y démontre qu’il n’est pas un beau site,
de ceux qu’annoncent les guides touristiques, ni un écrin de beauté mais qu’il n’est que du tressage des
diverses courses, marches, poussées de voiture, rires et jeux ; qu’il n’est que comme résultante de ces
divers cheminements qui enfin mènent à sa création.
Le film est revigorant contre les chemins qui ne mènent nulle part, il donne à l’homme la
potentialité de son lieu et au lieu la potentialité du faire de l’homme, même et surtout s’il est de rire et de
mouvement.
Un espace de l’entre-deux s’y forme, celui de la vue simple, du paysage, du panoramique et celui de la
question de ce voir, de ce genre du paysage, de l’impact de cette échelle, du point de vue sans lequel pas
d’image.
« Point de vue », autre syntagme à lire dans sa polysémie puisqu’il désigne l’emplacement d’où
voir, ce qu’un Brunelleschi vérifia avec sa tavoletta à petit œilleton et miroir, face au baptistère de Florence
mais encore le jugement que l’on porte sur ce que l’on voit. Ainsi se rassemblent les deux acceptions :
l’image induit le jugement, le jugement construit l’image.
Le bonheur de la construction pensée de cette ore 11.42.
Simone Dompeyre


























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