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Projection au Gaumont Wilson




Notes et pensées sur une soirée à Traverse Vidéo

Samedi 24 Mars 2012, je prends le train, direction Toulouse, pour une soirée spéciale à Traverse
Vidéo. Je suis invitée à présenter mes cartes blanches réalisées pour Blow Up ; projection qui aura lieu au
Gaumont Wilson. J’arrive en fin d’après-midi. Un soleil radieux m’accueille. Les rayons se reflètent le long
du fleuve et enluminent le quartier aux briques rouges. J’arrive à temps, place Wilson, une bonne heure
avant la séance. La place est remplie de badauds. Curieuse, je me faufile parmi ces gens pour compren-
dre ce qui les réunit. Au centre de ce cercle humain, je découvre une jeune femme, tremblante, émue, mais
déterminée. Déterminée à poursuivre coûte que coûte ce qu’elle écrit : à plat ventre, la femme arrache,
avec ses dents, d’un rouleau, des bandes adhésives rouges avec lesquelles elle forme des lettres aussi
rouges que son émotion ou sa fureur ? Appliquée, contre toute attente, elle forme une à une chacune des
lettres nous révélant lentement un message... Les passants s’interrogent. Ils chuchotent. Ils se question-
nent. Ils restent là, suspendus, dans l’attente…
La performeuse, Emilie Franceschin, se relève et l’on découvre inscrit : « je ne suis pas à vos pieds ».

La soirée de Traverse Vidéo commence donc sous le signe de l’insoumission.

Applaudissements. Mouvement de foule. Nous nous rapprochons du cinéma Gaumont. Un écran
est posé au-dessus de l’entrée du cinéma. Tous les yeux le fixent, hypnotisés : des clichés photogra-
phiques défilent sur le moniteur. Stupéfaction, chacun peut se découvrir, en gros plan, au-dessus des
grandes affiches du cinéma Gaumont.

Mais déjà le soir envahit les trottoirs. Une attente commence. Soudain, une jeune femme,
Nolwenn Le Tallec, nous avoue, les yeux dans les yeux, qu’elle nous aime… Mais elle nous aime sans
vraiment nous regarder ou nous voir. Comme sortie d’un rêve, elle projette des mots, des regards, des
idées, des images éphémères… Laissant la foule dans l’expectative…
Une sensation particulière me reste de cette performance : je la revois nous quitter, partir, comme dés-
orientée, se mettre en travers de la route et, d’un geste de la main, ordonne aux voitures de stopper leur
course effrénée. Qui est dans le rêve ?
Mon cœur s’emballe à ce moment précis car j’ai très peur pour elle. Le danger est évident ! J’effectue un
mouvement malgré moi qui trahit ma pensée : est-ce possible que ce corps humain, frêle, puisse arrêter
cette circulation ?… Est-elle inconsciente ou suicidaire ? Puis comme une image magique qui se détache
et s’inscrit dans ma tête, je la vois au ralenti, suspendue, en apesanteur. Elle avance, toujours sur la route,
les voitures ne ralentissent pas… Je vois, toujours inquiète, un véhicule fonçant droit sur elle. Mais voilà
qu’il ralentit enfin sa course et s’arrête juste devant la jeune femme…
La porte du véhicule s’ouvre : Nolwenn Le Tallec disparaît à l’intérieur et la voiture repart pour s’engouffrer
dans la circulation.

Place maintenant aux images expérimentales, sur grand écran et dans les meilleures conditions,
nous rentrons dans une des salles du cinéma Gaumont.
La projection s’ouvre sur les plans d’une ville où lignes et couleurs actuelles s’entrecroisent : ombres et
reflets, habitants et circulation, emportés dans une danse qui jamais ne semble s’arrêter. On pense
naturellement aux images de Walter Ruttman, de Rudy Burckart, et de bien d’autres… Le vidéaste Andres
Zuniga nous offre son regard, tout en nuances, sur notre architecture intérieure. Et dans ces fondations et
ces réseaux, nos constructions renferment parfois un endroit secret, une pièce perdue ou cachée ou
oubliée. Un espace qu’il ne faut pas ouvrir pour ne pas troubler la symphonie collective, le rythme
incessant et souvent fou de l’activité humaine.





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