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Vidéos d’Ici et d’Ailleurs
Le film se fait militant en doublant, en gros caractères, le “nous sommes toutes des Pussy Riot” et
l’annonce de leur procès qualifié de politique et des images de leur intervention dans l’église ; il réclame
pour les femmes le droit de décider de leur corps… un plan du pape passe furtivement… et la Vierge est
jugée féministe… ici, le terme “harcèlement”, ailleurs la mention de l’emprisonnement en Sibérie des Gays
pride se glissent dans le champ…
La tonitruance, pourtant, laisse un espace au cœur. En refrain, un plan demi-ensemble décrit une foule qui
fait la ronde dans un camaïeu de bleus, il coupe la virulence. Ensemble, ce serait possible de faire être le
rêve d’égalité, de partage, de liberté… même si l’on peut craindre que l’attente en soit longue puisqu’en
postface, sont citées les paroles du chancelier suédois Oxenstierna à son fils, en 1648 : “Tu ne sais pas
mon fils avec quel peu de sagesse le monde est gouverné”.
Reste à voir et à penser ensemble cet élan poétique vidéo.
D.S
Anne-Sophie KUNTZ, Au Contraire, 4'08, 2011, France
D’emblée, une phrase aux accents lacaniens, sortie de nulle part alors
qu’incongrue, la mire ouvre une étrange partition. “Il faut en finir avec cette
idée que l’on ne peut réfléchir qu’en philosophie”, la phrase fonctionne
comme un mode d’emploi. Des images à saisir comme des segments d’une
grande proposition alors que d’autres propositions sont lancées par des
mots venus d’ailleurs… d’autres films, d’autres langues… Le chemin est
rude, parce que le passage se pave de fragments prégnants et cruels : l’autodafé nazi condensé en deux
plans, le documentaire médical si proche qu’il se contamine des expériences abominables des camps : un
corps frêle, handicapé physique, tordu clopine en faisant le tour d’une pièce, et un très gros plan d’une
cuillerée de soupe approchée des lèvres d’une fillette en amorce, s’alourdit de mots allemands devançant
un plan tronqué du Docteur Mabuse… Le Au Contraire titrologique se comprend comme le refus de ces
mondes, il refuse une démarche didactique. Ainsi un leitmotiv emblématique d’une main ouvrant une boîte
biscornue, sans explication, ni motivation narrative implique qu’aucune réponse ne sera peut être donnée.
Sans être strictement anxiogène, puisque la distance avec les fragments de Carpenter en n/b ou
en couleurs, le voyageur dans le bus près de sa voisine souriante, ou tel visage ahuri en dispensent, les
rencontres interdisent de s’apaiser et même le baiser des Amantes, d’A.S Kuntz qui s’autocite, en
palimpseste magrittien, ne se fait que sous de lourds voiles.
D.S
Louis-Michel De VAULCHIER, Tv-Poucet, 5'50, 2012, France
La voix d’une enfant décale la vision… sérieuse dans son projet de
s’affranchir de l’interdit de voir, elle dénie son manque d’appréhension de ce
qui a lieu derrière le voile, en occupant l’espace et non seulement l’espace
sonore. En effet, la tessiture aiguë de fillette parce qu’en gros plan sonore,
et parce que sans arrêt, dirige la composition de l’espace. Elle crève le
cache : un tissu léger bleu barré, suffisamment transparent pour entr’aper-
cevoir un film de meurtre avec cris, brutalité et la voiture rouge.
Ce qu’elle commente n’est que fiction, mais de le dire lui donne la consistance de la vérité à laquelle
accéder… Louis-Michel de Vaulchier renverse, dit-il, le plan du Conte de Perrault, où “ le petit Poucet est
caché sous la nappe de la table, à l’écoute de ce que disent ses parents ”.
Dans cette vidéo, la nappe est jetée sur le poste de télévision. Une petite fille, depuis son poste d’écoute,
observe, décrit, commente, elle ne veut rien perdre de ce qui se dit à l’extérieur.
32 Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s)