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Traverse projette à l’UGC
Jeremy NEWMAN, The Persistence of Forgetting, 12', 2010, Etats-Unis
Persistence explicite sa liaison avec les archétypes jungiens, puisqu’il cite
une formule du psychanalyste qui distingue des vérités selon leur rapport au
temps, les unes appartenant au futur, d’autres au passé et d’autres à aucun
temps. La phrase sibylline oblige à un détour vers cette théorie afin de
saisir le sous-texte de ce film footage, qui entrelace de l’animation de
poupées pour le conte, de dessin et de film pour la science-fiction, de
Série B, des films de famille pour l’exaltation des valeurs américaines. Films du passé proche ou du mythe
lointain et images qui résonnent au présent, répondent à cet appel à Jung, censé parallèle à la “persistan-
ce de l’oubli”. Y comprendre “inconscient collectif”, ce concept de la psychologie analytique construit par
des “connexions mythologiques, des motifs et des images qui se renouvellent partout et sans cesse”, ce
qui expliquerait que les fonctionnements humains fussent conditionnés par des représentations individuel-
les et collectives universelles et réapparaissant. Jung écrit aussi “Nous ne sommes pas d'aujourd'hui ni
d'hier; nous sommes d'un âge immense”. L’individu, dès lors, suit un code sociétal ; nourri, porté par de
tels schèmes collectifs, il est le réceptacle du dépôt de l’expérience ancestrale/les archétypes - à laquelle
s’ajoutent des variations et des différenciations selon les sociétés et ne serait, dès lors, pas porté par
l’inconscient - freudien - né du refoulement et des pulsions.
Le film décrit ce qu’il en est de la douleur après un divorce - une alliance - objet filmique -
enlevée du doigt est jetée, la circularité de ce mouvement entraîne un œil, l’œil réagit au tournage de
Fenêtre sur cour. La femme est accusée sans mot, subrepticement par le retour de plans animaliers d’une
mante religieuse. Pour conserver cette femme - parfaite nageuse sous l’eau/sirène faisant un signe
d’invite - on lui coupe la tête et on cherche un nouveau corps pour le lui transplanter :The Brain that
wouldn’t die réitéré, lancé comme les cailloux du Petit Poucet pour faire histoire, dont la fin s’applaudit -
seulement par des hommes depuis les bancs d’un petit cirque. Les fragments comme celui du mythe du
roi Midas et du conte du Petit Chaperon rouge se clairsement tout en respectant la chronologie de leurs
faits et se colorent de l’américanité des grandes lettres de la colline de Hollywood, avec un passage à
Hawaï, des costumes de cow-boy endossés par les enfants des années 50, du ramassage scolaire dans
le School bus coloré, ainsi que du désir de maîtriser la pensée avec ses savants fous – hérités eux aussi,
et cependant, de la vieille Europe.
On ne souffre pas plus que l’on aime sans adopter le modèle hollywoodien… Cependant, la guérison/
l’individualisation est proche pour celui qui le saisit si nettement qu’il en fait film. D’autant que le titre
prouve sa distanciation en rassemblant les premiers mots prononcés - empruntés à la bande annonce
hitchcockienne - “This is the scene of the crime”, au système de tournage rendant le meurtre fictif ; de
même le plan d’une tête féminine sur un plateau, sans corps et aux lèvres baîllonnées par du ruban
adhésif, prête plus à rire qu’à s’effrayer. Simone Dompeyre
Tahir ÜN, Facial Perception, 2'10, 2010, Turquie
Un autoportrait à la suite d'une paralysie faciale. Le champ rassemble deux
visages, celui qui regarde et celui qui est regardé ; le champ contre champ
séparerait par trop la cause – physique - de la conséquence - une vision
floue. Un homme aux épaules nues, dans la position du patient duquel on
vérifie la vision, pose sa main sur son œil droit, tente de faire tourner son
orbite oculaire. Une jeune fille sourit à peine, son image se dédouble, se
floute, se détache. Le son mécanique répétitif ressemble au bruit d’un appareil à mesure et des traits noirs,
des zébrures dessinent cette difficulté d’appréhender le monde et ce qui vous entoure. Ce problème
physique s’alourdit de l’angoisse de ne plus voir - d’autant plus terrifiante qu’elle tourmente un homme de
l’image, aussi celui-ci tente-t-il de l’exorciser avec ce qu’il sait faire, de l’image. D.S
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