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David FINKELSTEIN & Sabine VON DER TANN
Ce néant effroyable
J’emploie deux méthodes différentes pour entraîner mes élèves des moments verbaux aux
moments non-verbaux et inversement... Dans la première, je regarde la scène, et dès que je sens que
l’élève construit sa scène en suivant la ligne verbale (ce dont il parle) et qu’il a perdu sa connexion avec
le flux sous-jacent d’énergie et d’émotion, je dis “passe au non-verbal” et il passe à la vocalisation non-
verbale. Si, en effet, il a perdu sa connexion avec le flux sous-jacent, un décalage audible se produira
quand il changera mentalement de vitesse et se re-connectera au flux d’émotions. Ce décalage sera un
indice porteur, pour l’élève et pour moi. Quand je serai satisfait de la façon dont il aura rétabli une forte
connexion avec le flux, je lui dirai “ré-utilise de vrais mots” et il retournera à l’usage de vrais mots.
Dans la seconde méthode, l’élève décide lui-même quand basculer de l’un à l’autre. Dès qu’il
devient incertain de sa connexion au flux sous-jacent, il retourne à l’usage de vocalises non verbales, afin
de vérifier cette connexion. Quand il est sûr que cette connexion est assez forte, il retourne à l’usage de
vrais mots.
Au bout d’un moment, l’élève est entraîné à toujours construire une scène en suivant la partition
des émotions et énergies sous-jacentes, plutôt qu’une partition simplement fondée sur le sens de ce qu’il
dit. La simple menace que le directeur puisse dire “n’utilise plus de vrais mots” à tout moment est
suffisante pour assurer qu’il jouera d’une telle manière qu’il puisse passer au langage non verbal à
n’importe quel moment, sans décalage parce qu’il se place dans le flux même d’émotions plutôt que dans
le fonds verbal.
L’étape finale de l’entraînement consiste, bien sûr, à jouer une scène entière avec tout au long,
du langage verbal. Quand l’élève a appris à construire une scène en se fiant à la trame des émotions et
de l’énergie sous-jacentes, et à utiliser les mots comme outils pour ressentir ce flux aussi pleinement que
possible à tout moment, il sera prêt à rester “verbal” tout le long d’une scène. À ce stade, il découvrira
sûrement qu’il est beaucoup plus facile de jouer avec de vrais mots qu’avec des vocalises non verbales.
En tant qu’outil pour entrer dans un état émotionnel, les mots ont beaucoup plus de pouvoir que les sons
non verbaux parce qu’ils évoquent des états émotionnels de manière beaucoup plus spécifique. Et c’est
pour cela que nous sommes avant tout intéressés par les scènes verbales.
David Finkelstein
Performances - Histoire(s) 79