Page 80 - catalogue_2013
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Emilie FRANCESCHIN
Je ne vous raconterai pas d'histoires / Il y a 368 jours…
Mon travail de performance n’est vraiment pas de l’improvisation, je construis les différentes
scènes comme des moments photographiques, visuels qui s’enchaînent avec un début et une fin. Elle est
toujours marquée et concrétisée par l’écriture, très visiblement. L’enchaînement de scènes, même s’il
déroge à la continuité logique à laquelle on pourrait s’attendre, entraîne un défilement comme celui d’un
film, défilement de moments et d’actes précis jusqu’à une fin, parce que… il faut bien que ça se termine.
En tout cas pour moi, qui acte, ça se termine à un moment donné, et j’écris littéralement “La fin, The end,
Fin” quand pour moi, ce moment plein dans un espace particulier est arrivé au terme que j’ai pensé…
Souvent, seules des traces restent après la performance, puisqu’elle, elle disparaît totalement ; elle reste
en bribes dans la tête de ceux qui y ont assisté et qui l’ajoutent à leur propre histoire… parfois elles
subsistent comme dans cette cour de l’Ostal, où même aujourd’hui, le texte “La Fin de l’histoire” se lit
encore… C’est la fin pour moi, après ça ne m’appartient plus.
Sans lieu, je ne peux concevoir la performance puisque je la construis par rapport à lui, très
fortement avec lui, c’est avec sa découverte, avec mon intrusion dans l’espace que je commence à créer
voire que je définis une performance. Je ne peux me contenter de photos ou de plan, cela reste trop
difficile pour moi d’anticiper une performance sans avoir vu le lieu, sans y avoir été, surtout.
La performance implique de vraiment construire son travail en pensant au direct, au face à face
au public avec lequel se produisent des liens directs quoique éphémères.
En ce qui concerne la musique, mon approche diffère, son rapport peut être construit, elle peut
aider à construire la performance, mais le plus souvent, les scènes sont déjà définies et j’y rapproche une
chanson que j’ai déjà en tête ou que je cherche après avoir travaillé avec le lieu. Ainsi le jazz joué
pendant que j’acte, puis la musique classique décalée de mes allers et retours dans la cour. Je ne suis
pas forcément une logique, je choisis la chanson et je construis la performance, ou je pense la
performance et je choisis la chanson ; le choix des musiques se lie à mes envies du moment, mais j’ai
besoin de la musique pour entrer dans la performance. Il faut cependant que ça m’anime : mes mouve-
ments reconnaissent le rythme de la musique, et même si je n’ai pas appris la danse, j’ai ce rapport
particulier à la danse à ce moment-là.
Par ailleurs, mes performances, mes scènes étant vraiment liées à mon quotidien, à ce que j’ai
pu avoir entendu la veille, je peux me dire : cette chanson-là fera partie d’une performance, puis cela se
mûrit entre les choses, l’objet, le lieu, la musique.
Performances - Histoire(s) 81