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Emilie FRANCESCHIN

                    Je ne vous raconterai pas d'histoires / Il y a 368 jours…

                                               Interview à bâtons rompus

                Je ne vous raconterai pas d’histoires : Histoire(s), je n’ai aucune histoire à vous raconter.
     La performance, c’est l’histoire que vous voulez bien vous raconter, mais je ne veux rien vous promettre.
     Dans une cour, actant entre la terre et le ciel, le corps prend place et y demeure. Cette histoire qui n’en
     sera jamais une se raconte en une dizaine de minutes, se joue en musique, se réalise en solo. Par un choix
     d’actions pris entre ces quatre murs, comment ne plus tourner en rond ?
     Rendez-vous pour cette non histoire…

                Le désir de la performance m’est venu par mes études aux Beaux-Arts. Lors d’un cours – pas
     vraiment un cours de performance – j’ai découvert la performance, historiquement, sous forme de vidéos…
     et il nous était aussi demandé, lors d’un atelier, si on désirait la pratiquer.

                Moi, qui travaillais sur un tout autre projet de dessin-photographie, j’ai compris que je pouvais le
     dévier, en créant un lien avec une action, ce qui était faire une performance. Et ce fut la première: je
     partis d’un pull orange sur lequel j’avais travaillé ; la performance consistait à enlever ce pull que j’avais
     endossé et à le manger, je le mettais dans la bouche, ce n’était pas faire semblant.

                Ensuite durant mes études, j’ai surtout retenu la performance pour éviter de parler et de parler
     de mon travail. Tout mon travail sur d’autres médiums étant exposé, je choisissais la performance en
     commentaire. Parce que je trouvais que donner des explications allait à l’encontre d’un travail artistique,
     et à chaque fois, je définissais ce temps d’explication de parole comme une performance qui s’incluait
     dans une mise en scène, avec beaucoup de textes…
     Par la suite, elle est devenue un travail entier. Ma performance. Cela m’a semblé une évidence, vraiment,
     de travailler avec mon corps, et j’ai aimé le rapport direct entre l’œuvre, l’artiste et le public, sans intermé-
     diaire puisque ça ne m’intéresse pas de parler d’une photographie que j’ai faite avec de longs mots, je
     préfère faire les choses, en direct. Par ailleurs, je pense très contradictoire, dans le travail artistique, que
     l’on travaille seul, dans un atelier, où l’on conçoit les œuvres seul, alors qu’elles sont destinées à être vues,
     que l’on doit rendre du visible, en faire des expositions. Même si vivre de la performance c’est compliqué,
     mais je pense qu’être un artiste, c’est compliqué. La performance, ça ne s’achète pas, on ne peut avoir sa
     performance à soi, à part une vidéo… mais ça ne sera jamais LA performance. Aussi, sincèrement c’est
     difficile, mais c’est un choix ; en tant qu’artiste, il y a un choix à faire…

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