Page 81 - catalogue_2013
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Emilie FRANCESCHIN

                    Je ne vous raconterai pas d'histoires / Il y a 368 jours…

                La Chapelle des Carmélites - ce lieu plus que particulier avec son histoire réelle, architecturale
     et religieuse - s’est mêlée à mon histoire car je devais y faire l’année dernière une performance qui n’a pu
     se faire pour des raisons personnelles, ainsi divers paramètres sont entrés en ligne. La performance c’est
     aussi l’imprévu, celui sur lequel nous n’avons aucune prise.
     Cependant, après ce temps écoulé, l’espace demeure et le projet de performance suit son chemin. Après
     cette attente de 368 jours, je désire y mettre fin le samedi 16 mars 2013 ; ce qui explique son titre sans
     rien en dire… L’attente, le parcours, les détours que nous ne ferons plus et le temps écoulé, dans cet espa-
     ce, le corps décide de s’y confronter. Une création de performance de 368 jours pour une Chapelle qui
     reprendra son silence après ce passage.
     À l’histoire de la performance se mêle celle d’une chapelle d’abord dédiée à un couvent de femmes. En
     même temps que le travail avec l’espace, la longue arrivée jusqu’à l’autel, tenir le miroir pour réunir les
     peintures, l’architecture baroque et mon corps, ont entraîné deux musiques aussi différentes que Bach et
     la chanson populaire italienne.

                La performance Je ne vous raconterai pas d’histoires parle de la performance qui, d’après moi,
     n’a pas à raconter une histoire comme on l’entend généralement, celle qu’attend le public avide d’une
     narration. Je voulais, précisément, contredire cette attente et lancer d’autres potentialités d’approche.
     Cependant, comme Traverse Vidéo se lançait, cette année, vers Histoire(s), je me suis approchée… de
     l’histoire celle d’un lieu et la mienne avec ce lieu ; ce type de rapport est toujours le fonds de mes
     performances.
     C’est pourquoi, pendant celle de l’Ostal, je fais des traces : quand je tire le corps, quand le papier est dérou-
     lé, quand j’écris sur le mur parce que tous ces supports : le mur, le sol pris comme fragments rendent
     compte de ce lieu-là. Aux Carmélites, j’ai écrit sur mon ventre après avoir impliqué des chaussures. Si les
     introduire suit une longue variation dans mes performances à cause de l’instabilité ou pour la capacité à
     prendre un peu de hauteur que donnent les talons hauts, cette fois-ci, j’ai refusé de les utiliser. À nouveau
     pour contrebalancer ce désir de logique familière : “Ah ! Les chaussures, elle va les mettre”, j’ai organisé
     une présentation de chaussures, j’ai composé une nature morte mais active, que je mets à bas au sens lit-
     téral, les faisant tomber de l’autel… ainsi la chaussure n’est plus cet élément pour prendre de l’ascension.

                                                                                       Si ma conception demeure la
                                                                                       même, j’ai pensé différemment
                                                                                       ces deux performances
                                                                                       confrontées dans les deux cas
                                                                                       à un lieu du patrimoine mais
                                                                                       l’un vide, l’autre muséal.
                                                                                       Ainsi à l’Ostal, je pensai à la
                                                                                       prise totale de l’espace, à mon
                                                                                       impression comme trace
                                                                                       corporelle et j’ai demandé la
                                                                                       participation d’Yvan Ané pour
                                                                                       qu’il y joue du saxophone, non
                                                                                       en accompagnement mais
                                                                                       comme donnée de la perfor-
                                                                                       mance, de même que j’ai aussi
                                                                                       tracé avec son corps.

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