Page 82 - catalogue_2013
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Emilie FRANCESCHIN

Je ne vous raconterai pas d'histoires / Il y a 368 jours…

          La performance des Carmélites étant déjà un peu mûrie puisqu’elle devait avoir lieu un an
auparavant, je savais quels éléments entraient en jeu, cependant l’espace-lieu d’expositions n’étant pas
occupé par les mêmes installations que pour la précédente édition de Traverse Vidéo, je revis mon projet.
Je ne pouvais faire abstraction des travaux exposés d’autant que Présumé Coupable, une installation
parsemant des assiettes cassées, s’étendait sur la trajectoire que j’avais pensée, aussi ai-je réfléchi à un
rappel, ou plutôt lui ai-je lancé un clin d’œil. Sans perturbation puisque j’y trouvais un lien avec mon
travail. C’est pourquoi j’ai détruit le miroir après lui avoir fait faire, dans son reflet, un lien avec les autres
composantes de la performance, sa gestation et aussi la chapelle. Briser le miroir fondait le lien avec la
pièce de Pierre Clément, avec lequel j’en avais parlé. C’est aussi ça, la difficulté de la performance, de
s’adapter au lieu, dans toutes ses composantes fixes ou pas, aux pièces qui y sont exposées. Moi je
pouvais bouger, mais non les œuvres, aussi ai-je repensé ma performance.

          Durant la performance, je suis toujours dans un état de concentration qui prime vraiment sur le
reste oui, à tel point que je ne perçois pas vraiment les réactions du public. Je le vois parce mon regard
est fixe sur lui, mais ça n’interagit pas du tout avec ce que je fais, sauf s’il est situé dans l’espace prévu
pour mes mouvements et que cela gêne la progression… mais même dans ces cas-là, je m’adapte.
En l’occurrence ça ne s’est pas produit, puisque à l’Ostal, ce qui m’intéressait était d’avoir un espace
dense, vide que j’ai tenu à conserver, ce qui m’a poussée à demander au public un placement assez
spécifique sous le préau Renaissance de cette cour, parce que je savais que je ferai ces avancées-là, sur
ce tempo-là, ces allers retours, à cause de la musique, qui prenait et reprenait ce rythme que j’aimais…
que je voulais adopter… sur lequel je me suis approchée, en courant, du public… qui regarde, assez
étonné, mais ma performance ne lui demande pas d’intervenir ; en aucun cas, je suis là pour choquer ni
même attendre des réactions. Ma performance était construite comme cela, je savais que j’allais faire ça
et même si le public ne s’était assis que d’un côté, même si l’espace avait été vide aux endroits où je me
suis dirigée, je l’aurais fait, mes mouvements étant précis. Je ne le cherche pas mais le public reste
difficilement maniable, je pense.

Photos in situ : Emilie Franceschin, Robin Cuquel                                                                    83
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