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Aurélie PEDRON / Indiana ESCACH

                                         La Maison de Chair

                Et comme cette pièce-là travaille vraiment le rapport au corps, quand moi je la danse, ou quand
     Aurélie la danse, ça dit des choses différentes parce qu'on est aussi beaucoup plus proche de ce que l'on
     est en tant que personne quand on performe. Pour preuve, Aurélie, qui a à peu près mon âge, et qui a aussi
     eu des enfants, a un corps vraiment athlétique, de jeune fille, ainsi quand son corps dénudé est projeté sur
     la maison, elle devient une maison close ; avec ce corps, elle produit des images beaucoup plus
     proches de celles de la pornographie ou de la prostitution, de toutes ces histoires dures de femmes ; alors
     que quand je performe la Maison, moi dont la grossesse gémellaire a explosé le ventre dans tous les sens,
     un ventre maintenant complètement fripé, alors ça dit complètement autre chose, d’autant plus que je lève
     le voile sur ce ventre, quand ça démarre, puisque c'est la première image de la performance, tout de suite
     on entre dans une lecture différente de corps abîmé.
     L’état de corps en est marqué, la performance véhicule quelque chose d'assez violent, inconfortable en
     commençant ainsi sur ce ventre-là d’autant qu’ensuite je massacre un peu la poupée, la traite de
     méchante, ce qui peut entraîner une image négative quant au rapport à l'enfant, à cet enfant qui a abîmé
     le corps, alors qu’il ne faut surtout pas dire ça aujourd’hui, c'est tabou de reconnaître que les enfants
     peuvent éventuellement nous abîmer le corps... même si ça n’empêche pas qu’il s’agisse d’une chose mer-
     veilleuse que d'avoir des enfants.

                Le corps-même du performer transforme la performance mais sa propre reprise le fait aussi ; en
     effet, si le cadre performatif, une petite maison qui se transporte et la petite forme, est plus adapté au
     concept d’éphémère, lui-même lié à la définition de la performance selon laquelle il n’y a pas de répétition,
     quand on la répète ce n’est jamais pareil. Pour Traverse, je l’ai répétée six fois en boucle et ça a été six
     fois différentes car les personnes différentes qui se sont succédé, ont réagi différemment et dès lors, moi
     aussi j’ai réagi différemment et c'est ce que j'aime en tant que performeuse, cette proximité-là avec le public
     et qui transforme dans l’immédiat notre rapport avec l'objet artistique...

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