Page 94 - catalogue_2013
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Sylvain AUBURGAN

                                 Autoportrait aux aiguilles

          “ Dans mes explorations se croisent des références en apparente contradiction comme le
rock'n'roll et la broderie, les films de série B et la musique expérimentale dont je tisse littéralement des
liens. Par l’emprunt de techniques aussi diverses que celles du tricot et de la broderie, ou l’installation
vidéo et sonore, je vise à affirmer la porosité des frontières au travers d'une herméneutique de la culture
populaire. Mes expérimentations naissent souvent d'anecdotes, de titres de chansons, de films grâce aux-
quels j’ouvre des interrogations inhérentes à mon travail.
La nature des objets se transforme, la vision première que l'on peut en avoir change, la cassette audio ne
s'écoute plus, la bobine ne tisse plus, le flight case n'est plus conteneur mais est pris par son espace de
« monstration ».”

          Un autoportrait assuré d’un jeune homme qui pose et se pose, le temps de mal-tricoter un objet
large d’un point, plutôt tricotin sans appareil qu’écharpe.
Le non-utile privilégie le faire tout en contrevenant aux codes du genre annoncé : l’autoportrait.
L’autoportrait est audiovisuel et pourtant l’échelle du plan, très gros plan du buste, ne retient aucunement
le visage, bien plus la chemise bleue à petits boutons blancs est des plus anonymes. Seules les mains
actives assez fortes individualisent ce jeune homme. Cependant se déroule oralement une biographie
selon les étapes canoniques, l’enfance – à cinq ans, conservatoire de Tarbes, solfège, violon vécu comme
contrainte, exclusion – à partir de quinze ans, adolescence à “contrepied” guitare que l’on “explose” - jeune
adulte et concert, voix catastrophique - et groupe rock encore cinq ans, scène comme exutoire malgré le
stress d’avant concert - groupe à deux, premier album, synthèse avec “vieux micros et amplis sur le lit” -
puis nécessité de quitter cette “sorte de zone de non droit” “très débauchée”.

          En parfait contrepoint, un plan fixe dont le mouvement interne est assuré par les mains en acte.
Partant et revenant à la fixité, après avoir glissé sous le bras, en guise d’aiguille une baguette de bois, la
droite tire la laine noire, l’entoure autour de la baguette rapprochée d’une seconde qui recueille le produit
de la gestuelle. Une telle activité est très éloignée des domaines d’ “exploits” du roman de formation
partageable avec de nombreux adolescents contemporains, si ce n’est que production mal fagotée, elle
se fait l’écho des considérations que le discours porte sur les activités, “assez pourries/catastro-
phiques/pas extraordinaires” et sur leur résultante “révélation/petite fierté/supersouvenir”, mais elle répond
aussi à la formule, prononcée “Do it yourself”, plus susceptible de provoquer le contentement, n’est-ce pas
une des définitions de la pratique artistique ; faire soi – au sens de se faire et de faire vraiment.

Installations / Expositions - Histoire(s)                                                                       95
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