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Carl HURTIN / C.HURTIN & Stéphane BARASCUD
lectures et petites interventions locales / Appel 1 et Appel 2
La simplicité triomphante portée par l’intelligence du microfait…Carl Hurtin sait voir, il entr’aper-
çoit le manque de peinture d’une bande pour piétons, la faille d’un carrelage d’une station de métro et il s’y
met, comme un artisan, retroussant si nécessaire la manche pour se saisir de la truelle…il sait de deux
brindilles que le platane du boulevard a laissé tomber sèches, faire un stūpa mais sans mantra, dans le
geste pur. Il travaille à la reconstruction de l’espace urbain blessé au quotidien par nos pas et aussi la
brutalité. Il nous apprend à considérer la ville, notre lieu où vivre.
D.S
Interview à bâtons rompus
Je ne me désigne pas comme performeur, car ce n’est pas mon seul mode d’expression, la
performance est pour moi une forme plastique comme une autre. Cependant, elle est une manière de
réagir à un contexte de manière vive, en produisant forcément, avec son corps, avec soi… mais aussi avec
le public.
Le public fait, en effet, lui aussi le contexte et parfois, j’improvise à partir de ses réactions, ainsi
lorsque la performance le permet, je me permets moi-même de la modifier y compris ses conditions
techniques, même si ces variations entraînent parfois des problèmes avec lesquels je fais. Je dépasse, en
de tels moments, le stress qui m’empêcherait de faire en m’attardant sur les contraintes que je préfère
oublier, pour rebondir, me forcer à suivre mon impulsion même si au départ, tout est très écrit parce que
suis plutôt très inquiet de ce que je vais faire.
Savoir si je peux faire et le décider répondent en effet à mes exigences.
Je me pose un plan d’action, j’ai besoin de me raccrocher à une certaine organisation afin de me
sauver si, éventuellement, je rencontre un problème lors de mes dérivations.
Je me blinde un peu… en essayant de m’organiser, en essayant de résoudre tous les problèmes possibles
avant ; pour, dans l’action, pouvoir répondre au problème éventuel, passer au-dessus. Quand je me lance,
j’éprouve une grosse angoisse, souvent… avant : je ferme les yeux… mais quand c’est parti, c’est défini-
tif, je ne peux pas revenir en arrière, je ne reviens pas dessus.
Cependant quand l’angoisse me prend des semaines avant, je me demande “pourquoi fais-tu ça ?” ou
“pourquoi acceptes-tu ça ?” ou “pourquoi te mets-tu dans cet espèce de danger ?”… peut-être que je
trouve la réponse, une fois que c’est fait et j’ai l’impression d’être arrivé à mon but, que mon but, c’était de
faire ça, définitivement…
Cependant systématiquement, que ce soient des
performances ou des installations ou des photogra-
phies ou des vidéos, toujours, c'est ce rapport au
contexte qui définit ce que je fais, rapport dans
lequel, sans doute, je projette l’image des lieux où je
me trouve, où l’on me propose de me trouver.
Le lieu-même propose de nombreux possibles
d'interventions, parmi lesquels je choisis selon mes
préoccupations ou bien, je laisse les endroits qui me
parlent m’appeler. Cela produit un rapport très
personnel au lieu, puisque intervenir sur le lieu et en
public, consiste à créer une espèce de lien entre
moi, le lieu et le public, à créer un discours à trois,
une conversation à trois.
Peu importe la manière dont cela est perçu, de
manière humoristique ou de manière ingénieuse ou
politique ou investi d’un projet, je suis dans la proposition, ensuite ce qui se passe se passe.
88 Performances - Histoire(s)