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Sylvain AUBURGAN
Autoportrait aux aiguilles
Et mine de rien, la sectorisation des pratiques sociales selon le sexe est, avec bonheur, bafouée.
En effet, les féministes du XXème siècle ont accusé le tricot de participer à l’aliénation des femmes en tant
que méthode coercitive du patriarcat pour les garder à la maison, tout en occupant leurs mains à de
l’utilité. Tricotage ou tissage pour une même domestication, et de rappeler Pénélope qui pour protéger sa
fidélité, défaisait la nuit ce qu’elle tissait le jour - sans repos. Certes depuis, et Internet y a aidé, le tricot est
reconnu, il multiplie ses adeptes y compris comme mode d’expression artistique, souvent avec une
pointe d’implication politique.
Des collectifs artistiques comme les Texanes Knitta Please, pionnières du graffiti en laine
habillent les poteaux dans la ville d’écharpes colorées ; les Wool Warriors de Knit the City habillent les
cabines téléphoniques londoniennes. Poussant le décalage de l’emploi premier, des mitaines rouges
tricotées couvrent une statue de Lénine à Seattle et des chaussettes, les fers des chevaux de bronze de
Central Park.
Cependant l’Autoportrait aux aiguilles ne clame rien, il dit une biographie, il provoque un étrange
objet. En un plan fixe, se réunissent des propositions diverses ; pour en prolonger les potentialités, la vidéo
a été projetée sur les méandres du faux-marbre pariétal d’un panneau de la Chapelle des Carmélites.
Simone Dompeyre
Photos in situ : Priscillia Grubo
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