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Carl HURTIN / C.HURTIN & Stéphane BARASCUD

             lectures et petites interventions locales / Appel 1 et Appel 2

          Pour ma part, j’ai voulu jouer avec le public, en parlant en face de lui – enregistré - comme si
j’étais réellement en corps auprès de lui. Le film tout en gardant le principe de la projection, devenait autre
qu’un film. J’invitais le public, en le commandant paradoxalement de se réapproprier la frontalité, en lui
donnant les moyens, ou du moins l’envie de se la réapproprier et d’être acteur d’une image dont il n’est
pas l’auteur et il a répondu, il a obéi à mes indications sur la position qu’il devait prendre, sur la manière
de se placer, assis ou debout.

          Je chemine par rapport à ces idées-là, je cherche lors d’expériences comme celle-ci, où filmé je
donne des indications concernant le réel qui inclut l’écran, avec des gestes d’indication de mouvement, ou
d’espace à prendre, à partager en laissant une chaise libre ou en se rapprochant de son voisin.

          Par ailleurs, j’y ai glissé la question temporelle puisque filmé en amont, projeté en fin d’un
itinéraire de “petites interventions”, j’étais dans l’espace de projection.
Je me suis filmé sans public comme devant un public, pour faire agir le public réel qui verrait le film, alors
que moi… réel, je me trouvais dans le public et regardais comment ça se passait. Et cela interroge
vraiment l’idée de la performance, la performance que je pense comme rituel. On se déplace pour voir
quelqu’un qui peut se faire mal, qui peut se casser la figure, qui peut paraître bête ou dont on ne
comprend pas les gestes ni les paroles, pour chercher peut-être un étonnement ou un changement…
puisqu’on est dans le vivant, il peut se passer quelque chose, on peut être surpris à un moment donné par
quelque chose non voulu par l’artiste. On vient chercher un peu ça, un bout de chair nue, un peu du risque
que l’artiste prend quand il se montre ; ce soir-là j’inversais les rôles, le public agissait, se déplaçait, ma
proposition le conduisait à du risque, à une action… et le lutrin ouvert sans nécessité puisque sans
partition, chutait à la fin avec un bruit énorme sans blessure aucune.

          En me mettant ainsi en scène de manière déportée, déplacée dans le temps, ou par procuration,
je cherche un nouveau rapport avec le public, et ce sont des expériences, à chaque fois, ce sont des essais
pour m’approprier une idée, pour être dans l’”art-action” de soi, en public et dans l’action, puisque
toujours pensée comme rituel et rassemblement.

     Photos in situ : Robin Cuquel  Performances - Histoire(s)
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