Page 99 - catalogue_2013
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Clara CHICHIN

                      Au lieu d'effacer en vrac les choses fragiles

          Un triptyque qui préfère l’entre-deux, dans l’interstice des plans, dans le feuilleté du grain, pour
faire appel à soi. Dans l’espace libre entre ses trois plans se glisse un poème, et se tend la lettre au père.
La biographie s’y dépasse pour la traversée du non-dit, du désir et de la difficulté à dire.

          “Rassembler les textes fragmentaires épars, autrement dit, les écrits.
Captures de vidéo, images secondes, j’y manipule une grande feuille blanche. À s’y méprendre on
pourrait croire que la feuille est vierge. Elle était une tentative de rassembler diverses impressions de
textes - j’en avais scotché, collé des bouts de papiers. Le texte se fait image, il en fait partie intégrante. Les
images-fixes s’animent.
Tentative, tentation d’écriture. Les écrits apparaîtront et je disparaîtrai.

          Beaucoup d’images s’accumulent, quotidiennement - jusqu’à ce que le regard les trie. Traces de
lieux familiers, ou simplement traversés, de connivences, de promiscuité et d’intimité partagée, marquées
par la distance, la solitude. Les images, les textes scandent les jours, les mois, parfois même les années.
Le triptyque figure un parcours sensible, où photographie, vidéo, écriture s’entremêlent - parfois peut en
surgir une émotion poétique. Un parcours ponctué d’épreuves, de deuils, qu’il aura fallu accomplir,
traverser, éprouver, par les mots et les images. Il fallait transfigurer, faire l’épreuve de la perte.
Toucher à l’empathie, avec pudeur.
Les photographies tendent à ne plus être seulement des évènements autobiographiques - même si la
biographie en est l’origine. Elles portent en elles l’instant qui précède et l’instant qui succède, l’instant
fuyant - image en fuite - les images que je n’ai pas prises, les images fantômes et celles imaginées,
désirées.

          Les mots se superposent, synopsis d’instants parfois transfigurés. L’écriture est le temps pris
pour comprendre les images, la distance, l’analyse du quotidien.

          Toutes deux parole magique, répétitive, (presque incantatoire), l’écriture et la photographie se
font écriture du dépôt. Sortir l’invisible, ce que je ne dis pas, ce qui m’échappe, faire voir, revoir, écrire,
distendre, donner en partage”

                                                                                                     Clara Chichin

      Photo in situ : Céline Canton  Installations / Expositions - Histoire(s)
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