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Dominique FURGE

Fidèle, cet opus l’est. L’incipit surprend par des formes abstraites et sans conclusion, en taille plus
réduite, elles flottent encore en profondeur du noir, et ainsi, se lisent comme emblématiques du titre de la
vidéo, dont la lecture invite à se souvenir de l’explicit du Philèbe : «Il reste encore quelque petite chose...»
à saisir… la pensée se poursuit.

Par ailleurs, Socrate avait choisi pour exemple des multiples sensibles la couleur, la figure et le
corps restant sous-jacents dans ce dialogue, ne serait-ce que par la place en creux de Philèbe, et ce, tou-
jours sans rudesse ni corporéité massive.

Socrate fait très tôt glisser la question du plaisir vers celle de la méthode, après que les deux anta-
goniques sont posés : plaisir ou sagesse, jouissance du corps ou méditation de l’âme, le premier défendu
par Protarque, se substituant à Philèbe, le second défendu par Socrate. Cependant la différence de statut
des deux - l’un et le multiple - empêche d’avancer.

La vidéo subrepticement adopte la structure en bande de Moebius, elle pense en actes iconiques.
Son écriture de la question du plaisir est plaisir.
Quand le dialogue en revient à la nécessité de la dialectique, la vidéo sature le champ de rouge… la cou-
leur pleine, celle qui frémit en premier plan et surenchérit sur l’impossibilité de reconnaissance de forme.
Le Philèbe rapproche la définition de la dialectique comme articulation et imbrication de l’un et du multiple,
après avoir fait allusion à la détermination des intervalles. Puisque penser c’est faire du sens, c’est distin-
guer, opposer, rassembler, reconstituer l’un sous le multiple… la dialectique s’avère acte de parole - les
dialogues - dont les paradigmes ne sont intelligibles qu’organisés en syntagmes.

Dominique Furgé discerne les rapports harmoniques entre les voix et par là, les fait entendre. Il

articule les sons et les mouvements en rythme calculé. Ce n’y est pas désordre, les passes sont concer-
tées, en écho à ce qui s’y entend de l’harmonie/ mesure; la proportion gère les plaisirs désormais indis-
sociables de la connaissance, le dialogue platonicien, et de la sensation, la plasticité de cette oeuvre.

Le plaisir est de l’ordre de l’illimité, soit, mais la création audiovisuelle mêlée à celle de la théâtralité
et de la chorégraphie, réclame un travail de coordination/proportion.

Douceur mêlée d’amertume fait l’unité du multiple. Elle tisse sens et sensation, répondant paradoxa-
lement à la définition de la dialectique. Elle procure le plaisir de se sentir intelligent en saisissant le mou-
vement de ces corps.

Simone Dompeyre
Platon, Les Lois, II, 653e sq : « Les autres animaux n’ont pas le sens de l’ordre et du désordre dans leurs mouvements,
de ce qu’on appelle rythme et harmonie ; mais à nous, les dieux dont nous avons dit qu’ils nous avaient été donnés
pour partager nos fêtes, ces mêmes dieux nous ont donné un sens du rythme et de l’harmonie accompagné de plai-
sir, par lequel ils nous mettent en mouvement en se faisant nos chorèges, en nous entrelaçant les uns aux autres pour
des chants et des danses ; et ils ont appelé cela des chœurs-choros, du nom de la joie-chara qu’on y ressent. »

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