Page 108 - catalogue_2014
P. 108

maquette 2014_TRAVERSE_VIDEO:maquette 2013 06/11/2014 15:53 Page 107

                               Aude FOUREL

          Attraversare Roma ne se peut qu’en créant un itinéraire sans autre but que l’errance, que le tou-
jours avancer. En passant par les lieux connus sans les exhiber, comme les arches des aqueducs de Porta
Maggiore, couvertes de végétation, en déambulant dans les quartiers populaires, où l’on étend le linge sur
des fils dans les jardins, sur fonds d’une manifestation plus tôt visible dans le champ et désormais rem-
placée par la femme accrochant son drap, en passant par les lieux où l’on tape la cadence et où l’on chan-
te Bella Ciao. Elle emprunte les rues jusqu’aux places où arrivent les trains régionaux et où l’on peut pren-
dre le train avec une contrebasse. Ceci se fait sans description au premier degré et dans le refus de l’ima-
ge de reportage. La voix de l’employé des trains annonçant leur arrivée glisse sur le plan fixe d’une place
avec les immanquables Vespas; inversement le voyageur musicien avance le long d’un train sur un air jazzé,
sur un air de Blues.

            La Traversée de Rome n’obéit ainsi pas au mode du guide touristique ; rues populaires sans
quasiment de pittoresque, ruines antiques sans indices topologiques ou historiques. Lorsqu’un homme -
selon le mode du film en off - regrette que la « maison de la mémoire » ne soit pas construite, l’on saisit
qu’il s’agit de la Seconde Guerre Mondiale puisqu’il cite les Américains mais sans autre explication. Le film
n’obéit pas davantage à un emploi du temps, les moments peuvent sauter de la lumière du jour à la nuit
et d’une occupation diurne à une nocturne voire se différencier. Le marché des acheteurs bénéficie, en off,
d’une chanson populaire quand piano et dialogue durassien « j’ai peur que Rome ait existé » se glissent
alors que se découvrent tel pont de métal, telle structure d’usine et des voitures avec, pour seule lumière
trouant la nuit, une camionnette vendant panini et boissons. Plus encore, les passages d’un espace à l’au-
tre refusent l’ellipse organisatrice d’une succession temporelle; parfois marqués de traces connotant le
passage de la pellicule devant l’objectif du projecteur, ils se font en flashes blancs ou noirs.

          Attraversare Roma invente sa propre città, le noir et blanc appelle à la mémoire filmique, mais
celle-ci s’agrège celle des autres arts ; Rome c’est aussi le Caravage. Aude Fourel se souvient que La
Mort de la Vierge avait été commandée pour Santa Maria della Scala dans le Trastevere, même si elle n’y
fut jamais accrochée, comme scandaleuse avec ses pieds sales et sa physionomie jugée trop populaire.

           Sur les plans de marche dans la rue, le montage aime le contrepoint d’un fragment de descrip-
tion de ce tableau par une guide or ce fragment est filmique et une voix à forte intonation populaire iden-
tifie à nouveau Anna Magnani/Mamma Roma - s’y gausse précisément d’une telle approche avant de
se plaindre des durillons provoqués par la marche à travers la campagne et ses cailloux.

Installations / Boucles vidéos - Processus                                                                     107
   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112   113