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MNIHA

Le visage vit les marques de la crainte voire de l’angoisse ; il s’approche d’abord caché par les
cheveux, il revient bouche entr’ouverte dans l’impossibilité de parler ; on se souvient alors de la formule
désignant une certaine sidération quand devant l’inattendu et plus encore l’insupportable, on ne peut s’ex-
primer parce que l’on « est interdit ». D’autres plans du visage entraînent à lire l’homonymie de la formu-
lation: « avoir l’interdit de » ; des mots sont dits mais coupés et ce, dans une superposition empêchant leur
compréhension, alors le visage subit une pixilation, l’image est reprise comme pour une animation mais
sans en cacher le processus. La jeune femme brandit des ciseaux faisant mine de couper une mèche de
ses cheveux. Le visage prend diverses orientations vers la droite, vers la gauche jusqu’à se faire lui-même
face ; il n’a plus de lieu propre. Il se remue fortement en marqueur d’émotions et cette figure miniaturisée
se multiplie sur un, deux, trois couvercles des pots. Agitation vaine.

L’encre qui devrait noter les mots difficiles à dire se dilue, non seulement dans certains verres
mais aussi dans une eau qui sature le champ, enlevant toute autre image. Le bleu plus sombre se dilue
dans le teintage clair.

Que le temps soit, autant que l’interdit du dire, source d’inquiétude, la boucle sonore le
signifie avec son indice de retour au même; quand la réitération du geste vise à conjurer l’oubli. En outre
des objets partagent cette fonction : la photo de ce que l’on veut retenir et les mèches mémorielles sont
accompagnées d’une bobine dont le fil se déroule à l’horizontale sous la limite des pots ou en un
retour plus près des pots : tel le fil des Parques chargées dans la mythologie de filer, de tirer et pour
la troisième de couper le fil de la vie.

Fil qui devient fil de l’histoire dont seuls des fragments surgissent et que Appareil Mémoriel tres-
serait dans sa partition bleue. Quand la vidéo s’avère le champ où l’on peut dire sans paroles.

Simone Dompeyre

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