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Arnaud ROMET
A la Galerie Concha de Nazelle
La Rivière
Tordre le cou aux attendus
La Rivière : en écho à son titre simple, l’installation complexe cache ses nécessités techniques
derrière un immense rideau lui-même longuement ouvragé qui a réclamé un long temps de préparation.
Elle occupe tout l’espace d’une cave comme Toulouse en recèle. Cet écran de soie marouflée sur toile
laisse des traces de sa nature lorsque la couleur de la vidéo s’éclaircit ou lorsque le curieux s’approche
puisque le dispositif y convie.
Il ne s’agit pas pour Arnaud Romet d’occulter cette proposition plastique qui fait corps avec sa
rivière. Au contraire, cet écran en oblique, parce que le lieu étroit, voûté et long, contraint à conjuguer, obli-
ge à pénétrer assez loin dans l’espace, à le regarder pour gagner le propos. Le son ample, embrassé par
les briques, se reçoit depuis les escaliers dont le tournant fait attendre la rencontre avec l’image. Et ce,
plus encore pour qui aurait lu le cartel, l’association « Installation pour machine à laver dans un environ-
nement sonore et vidéo » relie la formulation des partitions pour instruments de musique à un appareil
domestique censé rendre la propreté au linge, aux vêtements.
La machine dérange d’emblée le sourire induit par cette rencontre : pratique artistique et usten-
sile ménager ; en effet, l’objet a été « préparé » selon le terme inventé dès Cage, pour les pianos trans-
formés à des fins expérimentales ; amplifiée, la machine est la base sonore, liée à la bande électro-
acoustique.
Plus encore, son tambour dont les
pales scandent les couleurs enle-
vées, tourne sur des luminescences
en contrepoint aux paysages filmés-
du Salat eux-aussi remodelés.
La Rivière dont le nom est
modulé en voix masculine le répé-
tant au début du cycle, se transfor-
me pourtant ; rouge fort, vert net
transforment la couleur topique ; de
grands traits de blancs lumineux
concourent à l’apparenter à un ciel
zébré de météorites. Les vagues deviennent dessins sous ces tracés fulgurants.
Si la rivière tourbillonne ainsi, comme force revue de la nature, c’est que La Rivière est devenue « domo-
tique » et que ses effets sont pilotés au sens fort du terme pour « faire » l’installation. Puisque sans jamais
annuler l’ensemble - à nouveau le vocabulaire musical - leurs flux, mouvements, éclatements, éblouisse-
ments se modulent. La force endiablée de l’eau, le plaisir des éclats de couleurs franches, d’appels de
sonorités avec cette machine contrapunctique juchée si simplement et abruptement sur une planche, ren-
versent les critères d’une définition du beau.
Arnaud Romet double son désir de création avec la maîtrise de logiciels, pour cette interrelation
machine, images calculées et prises de vue, séquences sonores, il a installé sur deux ordinateurs reliés
entre eux, une véritable plateforme de modulation en temps réel des paramètres numériques. Il a longue-
ment pensé les relations, les flux et mouvements, le déroulé de l’œuvre.
Une telle proposition réclame, dès lors, une véritable équipe, Arnaud Romet s’attribue la concep-
tion, le son, la vidéo, la scénographie aussi mais il a confié au duo VSRK la captation de peintures en rétro-
projection en vue de la vidéo, la construction de l’écran en papier de soie marouflé sur toile à une plasti-
cienne : Na/Da. Et il s’est entouré pour la réalisation numérique et le développement multimédia et domo-
tique de Lionel Delteil et d’Alain Martinet.
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