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Traverse Vidéo au Goethe
Alexandra BARAILLE
Polyschrott
Nous sommes des êtres de langue
Nous sommes des êtres de langue, la langue nous porte et nous habitons en elle. Elle est objet
de recherche; l’on en définit les sèmes comme plus petite unité de sens, unité minimale différentielle de
signification ; les lexèmes comme autonomie sémantique nécessaire à la création de phrases : « mots»,
«voir», «vidéo » « aimer » « elle »; les morphèmes, eux non autonomes, déclinent les possibilités de l’écrire
et du dire comme les désinences verbales : nous voyONS, je voIS, comme les marques du nombre : elleS,
le couple, les motS…
Par ailleurs il ne peut y avoir de signe sans trace perceptible par un sens, qui lui sert de support.
Le signe ne s’entend, ne se dit, n’est que de la réunion indissociable du signifiant/ la trace per-
ceptible par les émetteurs et les récepteurs grâce à la vue, l’ouïe, l’odorat, le tact, le goût et du signifié/
le concept, l’idée. L’anglais écrit « tongue », le français « langue », pour le même signifié. Alexandra
Baraille le sait, elle se souvient des leçons du signe, et investit les langues pour l’expérimenter. Elle joue
de la polysémie de la langue comme celle que nous parlons et comme celle avec laquelle nous pronon-
çons les mots.
Une langue est un système
de signes particuliers, un code linguis-
tique hautement élaboré avec ses
règles de combinaison, propres à la
communauté qui la parle. « Un stock limi-
té d’éléments et de règles ». Saussure la
conçoit comme une banque de données,
un trésor.
La langue suit des codes
qu’elle s’est créés; elle a inventé et elle
invente les règles de ses agencements.
L’enfant a besoin d’un apprentissage
pour en connaître les codes, nous en
sommes ourdis. Ainsi le « je » indispen-
sable en français, sans forme empha-
tique de son énonciateur, prend force quand l’espagnol ajoute un « YO » devant son verbe : YO amo, Yo
creo, Yo filmo….
Si le français pose l’autre comme responsable de l’absence : tu me manques; l’anglais, l’allemand placent
d’abord celui qui éprouve mal cette absence I miss you… Ich vermisse dich.
Ainsi la traduction est-elle toujours déplacement - on connaît le jeu de mots latin fondé sur les deux ver-
sants du verbe tradere traditio traditionis: la traduction/ la transmission est une trahison.
Polyschrott vérifie ce qui a lieu quand on change de langue…elle passe de l’anglais au français, à l’alle-
mand.
En effet, pour dire notre rapport à la langue, nous usons de la langue et il faut trouver des stra-
tégies pour ne pas être englués dans ce rapport.
Alexandra est curieuse de la langue, et de l’autre qui devient proche lorsque la barrière linguis-
tique cède ou se modèle selon l’intonation de la voix, le débit, le volume - signifiant sonore.
Sa vidéo s’avère LE CHAMP de cette expérience du savoir sur le processus de la langue. Elle exhibe le
mot lorsqu’il s’affiche - signifiant graphique- dans le champ visuel et s’entend dans le champ sonore.
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