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Jérémie DAULIAC

                                              Horse

              Horse de Jérémie Dauliac, installation vidéo sur une plaque de verre suspendue, se place en diagonale
de la seconde pièce de la Galerie Concha de Nazelle; ce dispositif perturbe le visiteur, confronté d’emblée à l’arête
de la vitre, arrêté et invité à faire le tour pour percevoir l’image annoncée par le titre.

              La vidéo tournée en caméra mini DV garde un plan séquence, sans aucun montage en post-production
autre que sa mise en boucle. Pourtant la superposition de deux images s’y déroule : l’évolution dans une archi-
tecture hélicoïdale - filmée d’une voiture qui descend une rampe de parking, l’autre une course à l’hippodrome de
Longchamp qui se reflète dans la vitre de la voiture servant au travelling. L’écran adopte cette vitre comme support
de projection.
Les lieux se chevauchent et interagissent; la descente fluide de la voiture déplace le mouvement de la course de che-
vaux dans cet autre lieu, circulaire qui s’articule autour d’un puits de lumière qui influence la perception du reflet. De
larges pylones de béton se succédant dans la descente, rythment la course et la lumière. Les espaces se confondent
et fusionnent, il y a le bâtiment, la vitre support de projection ( au tournage comme dans le lieu d’exposition ), l’hippo-
drome… mais ces espaces s’interpénètrent en bousculant notre approche. Nous qui, par les points de vue multiples
occasionnés par le dispositif d’installation, expérimentons en un espace précis, des espaces filmés eux-mêmes
mêlés à de nouveaux reflets. La transparence floue transforme notre vision. L’image s’apparente au sculptural non
seulement il nous faut tourner autour mais les volumes s’accumulent.
Ils s’agencent dans un mouvement circulaire presque hypnotique, en une ritournelle visuelle et sonore puisque s’in-
terpose l’enregistrement de la course hippique, la cadence des sabots qui frappent le sol et la voix du commentateur
qui s’intensifie alors que la voiture descend, alors que la course bat son plein. Cette voix crie la position des chevaux
de course, en forçant un rythme à l’image d’une spirale sonore. Le son transforme par son tempo fort, le mouvement
fluide, circulaire et continu de la découverte des lieux.

              La lumière participe à cette instauration du rythme et transforme la perception du lieu. Elle nous ramène
au lieu de tournage, au parking, alors que l’ombre transporte directement dans la course hippique, jusqu’au prochain
flash lumineux. Ce jeu entre ombre et lumière évoque le système même de la prise de vue, la captation de la lumière
qui crée l’image, ou inversement, ici, la fait disparaître, alors que l’ombre la révèle. Plus encore, cette image sac-
cadée, entrecoupée par des bandes verticales ( les pylones de béton ), ponctuée de flashes lumineux, nous donne
l’impression d’évoluer à l’intérieur du zoopraxiscope de Muybridge, et plus précisément, dans son Horse in motion,
de 1878. Cet appareil compte parmi mes premiers ayant « filmé » de courtes séquences animées, en se fondant sur
le principe de la chronophotographie de Marey.

                           GALERIE CONCHA DE NAZELLE                                                                         107
                                   INSTALLATIONS

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