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Catherine ALVÈS

                               Recapitulo Invisible

              Du latin pour intriguer, un invisible pour questionner puisqu’il s’agit de film.
« Je récapitule invisible » sera saisi par qui connaît le film précédent, intitulé précisément invisible, terme qui désigne
celui que l’on voit sans le voir, l’émigré, le clandestin qui hante les gares, leurs alentours, les arrêts de bus, les trot-
toirs. Ce ne sont pas des portraits, des témoignages mais des corps-là dans l’attente, la discussion ou la dispute et
la détresse; un essai expérimental et non un documentaire visant à ouvrir l’œil - esprit - cœur sans leçon de morale.
« Recapitulo » s’appréhende, dès lors comme « je reviens à »… non pas à un tournage du tournage avec ses anec-
dotes et ses justifications mais à une option poétique fort éloignée de ce réel dont elle fut, pourtant, une étape de
travail. Catherine Alvès tient à ces « images filmées en 2004 ( sont ) ancrées dans l’archéologie de cette création ».

              Différence de durée : de 20min à 58min, selon un tempo qui étire le temps. Le geste n’est pas celui de
la nécessité immédiate, il se déplie, se dé-feuillette en se décomposant dans l’ultra - déploiement du corps.
Un seul homme interprète - terme adéquat du générique - une chorégraphie inframince. Il apparaît/disparaît sans
heurts, rien du genre fantastique mais une écoute du paysage, en trois moments, au pied du tertre et y grimpant /
plus bref au sol parmi une rare végétation/en lento continué et encore s’étirant allongé sur les cailloux.
Écoute qui accorde son droit au lieu puisque entre chacune de ces variations, le champ lui est légué.
Trois mouvements dans la double lecture de celui du corps et de la musique.

              En ouverture, l’espace vide, un terril, est traversé par un chemin rosé, un paysage composé avant la
venue de l’homme qui danse.
Le corps de l’homme se glisse en image, doublé par la rémanence de cette image de son corps, il la quitte avec le
même principe de lenteur mais dans la dissolution. Certaines attitudes sont celles du corps danseur mais en lenteur
dans le refus du spectaculaire.
Quand il grimpe, c’est penché, s’accrochant aux aspérités du terril avec une nuance d’indéterminée, loin d’une
immobilité / mobilité hachée; l’étirement temporel est de règle. L’osmose est pleine entre ce qui se voit et ce qui
s’entend. La musique que la réalisatrice compose en tandem avec Pauline Lemaire-Démaret est travail de recherche
comme l’est celui de la gestuelle, créée avec Vincent Lahache.

                 CHAPELLE DES CARMÉLITES / L ’ENVOL DE CRANSAC

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