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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 22
détachent les couleurs des frondaisons verdoyantes de leurs référents. La couleur triomphe et l’engouffrement
sans crainte pour un trajet plus que le désir d’une arrivée… ce qui porte, c’est le plaisir du mouvement
calculé et coloré. Simone D.
Anne GOLDEN, Dark Shadows, 42 s., Can. , GIV
Dark Shadows, soap opéra gothique que la télévision américaine ABC
diffusa le week-end de juin 1966 à avril 1971 : 1225 épisodes en furent
produits. La série censée suivre la vie et les amours, les expériences et les
tribulations des Collins, riche famille du Maine, gagna une immense au-
dience en introduisant un vampire, puis des fantômes, des zombies, des
sorcières, des loups garous et autres monstres avec les atmosphères appropriées, en pratiquant le voyage à
travers le temps et en visitant les univers parallèles. Les personnages souvent improbables - qui pouvaient
être joués par plusieurs comédiens - empruntaient des virages tout aussi illogiques que ceux de la narration.
Effets spéciaux apparents, erreurs volontaires ou non, musiques exagérément topiques, éclairages excessifs
ont attiré tant de « fans », ravis de les chercher, d’être ceux qui savent et de former une communauté, que
la série garde une place parmi les émissions cultes.
Ce si court flm en est la déclaration d’adhésion : dans le noir et blanc quasi teinté de bleu de la télévision
à ses débuts, en champ contre champ, la demande d’explication d’un homme « tell me », la réponse « it’s
impossible » résume l’impossibilité de dire ce que racontait cette série, l’impossibilité de la connaître
avec un seul épisode ; l’inclusion en couleur d’un œil en très gros plan inclut la spectatrice ou une protagoniste
indissociablement, de même que les plans de visage d’une femme en noir tournés plus tardivement. Le
watching dans sa forme en -ing, du « en train de se faire » invite à ce regard encore et toujours, sur ce
qui se meut en ombres obscures…Simone D.
Andreas KESSLER / Lea NAJJAR, Madama Butterfy, 5 : 13 min., Alle.,
AOM
Madama Butterfy un récital, une cantatrice en robe de soirée, un auditoire…
mais ce sont des marionnettes.
Les fls qui augurent cette Madama Butterfy ne sont pas, en effet, ceux
du rideau de velours du théâtre qui programmerait cet opéra de Puccini
mais ceux par lesquels les marionnettes de cette version flmée y sont animées.
Des fgures de bois, sans mouvements des traits du visage, leurs yeux, ceux des spectateurs, la bouche
de la cantatrice restent ouverts, pourtant que la voix de Callas surgisse et elles gagnent toutes en expression. Le
« Un bel di vedremo » provoque la larme, le dodelinement de la tête, l’attention absolue d’un spectateur
choisi par le champ contre champ fréquent entre lui et la scène. L’envolée de la gamme chromatique
de cette voix « reconnaissable » - selon l’usage homérique de l’épithète qui qualifait la voix de Callas,
l’Assoluta -, le velouté si suivi de l’aigu sans tremblement porte le feu de son engagement en chant.
Ainsi le feu dans lequel la marionnette tombe dans le lever canonique des bras des exaltations chantées
dépasse l’accident, l’incendie, et le public ne bouge d’abord pas ; les étincelles atteignent la Diva,
les fammes s’élancent, des cris en volume faible suivent l’arrêt du récital, mais l’homme continue à
être happé.
Seul le dernier plan décrivant le fl brûlant et disparaissant ramène à la perte alors que Madama Butterfy
fle la métaphore de la femme/Cio Cio San pour l’offcier américain qui l’a abandonnée dans Puccini/
Callas pour son art et les amours vécues… la femme/la cantatrice tout entière consumée par la passion.
Simone D.
- 1. Lycée des Arènes -