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Performances Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 72
Billgraben - Benjamin BEGEY -, Billgraben, Fr. (Performance et Installation)
L’installation de 3 m de diamètre se compose exclusivement de
volants de badminton, déposés au sol de la même façon que l’on
plante un grain de riz. La forme épouse celle d’une rosace, d’une
boussole, d’un cadran solaire ou encore d’un mandala tibétain. Sur
le fond sonore de chant d’oiseaux, prise dans cette ressemblance, la
composition de volants devient planisphère de l’humanité et chaque
volant fgure un homme. Ainsi malgré l’humilité de la matière, la
métaphore se fle par la projection sur le mur adjacent - ainsi qu’un
vitrail - de ces mêmes volants, transformés en une multitude d’anges
ou d’étoiles vacants dans un espace auquel on reconnaîtrait des
dimensions cosmiques.
La forme s’inspire des mandalas traditionnels tibétains et indiens
d’Amérique dessinés avec du sable lors de cérémonie et ainsi
voués à disparaître et se reconstruire lors d’un nouveau rite. Celui
de Billgraben, en liège et plumes d’oies blanches, se disperse selon
© R.Bourrillon l’intervention performative et est voué à être reconstitué pour la
prochaine.
Le mandala est premier et quittant le public, certaines personnes s’approchent du performer coiffé d’une
énorme tiare, les poignets ceints de deux bracelets épais, les jambes couvertes de guêtres autant de
« vêtements » en mêmes volants. Ils défont le mandala et recouvrent l’artiste de ces dizaines de volants,
les imbriquant en équilibre les uns dans les autres jusqu’à disparition du corps du performer. Debout, au
centre du seul cercle d’un rang de volants laissé, dans cet étrange costume d’une étrange cérémonie,
il s’ébranle en une danse lente.
Des formes et des amas se produisent le long de ses mouvements en dessins aléatoires des chutes
hasardeuses des mouvements improvisés, aux déplacements légers, subtils écho de la source : le
mandala, et peut-être en résonance avec ces chemins poétiques et énergétiques.
Sa danse puise aux expressions archaïques, il y cherche une connexion cachée et s’inspire du Butô,
en un syncrétisme audacieux d’objets de sport occidental et de danse traditionnelle indienne et d’un
rituel chamanique. Billgraben dit exprimer ainsi « la force gravitationnelle qui libère les feurs de sa
structure, le cœur de la montagne, là ou il n’y a rien si ce n’est … ».
Il explique que ce nom Billgraben qui, désormais, dénomme les divers pans de sa création, prend sa
source, en Suisse, dans la montagne de l’Illgraben qui s’effondre à une échelle très rapide par l’effet de
l’érosion et se transforme depuis le XIV ème siècle en un gigantesque cirque rocheux qui surplombe la
vallée du Rhône. Le nom désigne également l’un des chenaux de laves torrentielles les plus actifs des
Alpes suisses or comme se plaît à ajouter l’artiste, à son pied, un pont bhoutanais est construit pour relier
les peuples des montagnes. Ainsi son projet « à l’image d’un roc aussi fragile qu’un mandala de sable,
cette installation/performance égrène-t-elle sa propre mesure du temps, et véhicule-t-elle la notion d’im-
permanence ». Là, dans le hall du lycée des Arènes, lieu moins ouvert aux variations climatiques et venteuses
que les montagnes, le performer après avoir fait du cercle limite de badminton, un serpent dressé
qu’il guide, tourne, caresse, s’avançait cependant comme attiré par les escaliers en colimaçon… des
volants suivaient son chemin, la musique suivait son sillage, lui comme hors du monde dansait, dansait
toujours jusqu’à ce que sur le palier, la danse l’ayant découvert de son vêtement blanc, il s’agenouille,
enlève son bonnet et ses objets du rite-performance qui l’a conduit loin de nous et nous à sa suite.
- 1. Lycée des Arènes -