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Performances Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 78
Sandrine DEUMIER / Axl P.op, Soft Butterfy, performance et installation, Tlse.
« Un jour l’homme s’effacera, comme à la limite de la mer un visage
de sable » Michel Foucault, Les mots et les choses.
Avec des projets et des attentes des plus différentes, revues scientifques
mais aussi magazines de divertissement déclarent à l’envi l’avènement
de la post-humanité devant la multiplication de robots humanoïdes,
les essais de clonage et les manipulations génétiques, qui engendrent
la remise en cause des distinctions Nature/Culture, Homme/Animal,
Homme/Machine.
Ces questions qui travaillent à l’échelle mondiale le corps social, des
artistes, dans leur mode d’être, plastiquement, les façonnent dans
une matière esthétique posant sans la poser une interrogation muette
sur ce qu’est désormais l’humain.
© R.Bourrillon La douceur, l’évanescence du dernier espace performatif de Sandrine
Deumier assurent une calme adhérence à de tels corps sans chair,
égaux en contours, silhouettes, mouvements. Elle y abandonne l’esprit plus tourmenté de ses derniers
opus, elle quitte la turbulence des appartements défaits, des hôtels abîmés, des baignoires pleines mais
sans eau ; elle quitte les paroles lancinantes et les musiques arrangées pour des questions murmurées.
Si murmurées qu’elles éliment la rudesse de leur interrogation… dans l’assertion que cela est. Non
pas « est là » dans ce lieu-là mais est ce qui est désormais.
Sa nouvelle installation occupe, en un triptyque, une grande salle blanche où se dilue la luminosité de
l’image en grisé, blanc et parfois une nuance de rose assumant le titre Soft Butterfy qui glisse sur le
même sans lieu ; trois écrans y guident dont un, lui faisant face à découvrir quand on quitte l’infuence
de ces androïdes rose ou cuivré, vêtus de collants et de brassière métallisés.
Leur comportement est celui du contemporain addict au selfe quand la femme roboïque brandit d’entre
ses jambes l’appareil au bout de son manche, quand elle/une autre puisque le posthumain n’a plus
de distinction de traits ni corporelle - approche sa main ou la retire d’un ordinateur, quand couchée
elle bouge une jambe et ainsi subrepticement, implique le changement de nature : la main se levant
découvre une boîte simple dans le ventre.
L’U-topos n’est plus le pays de la luxuriance pour un bonheur sans manque, il retrouve l’autre lecture
du préfxe comme « nulle part ». Ces êtres alternent, en anglais ou en français, des propositions sur ce
non-lieu, censées porter l’acceptation et rassurer sur ce que l’humain craint : « n’aie pas peur de voir
ton corps mourir », avec ou sans terminologie informative « software to make your life better » voire
reconnaissant ce nouvel état de « technologies rapprochées »… où l’épithète dénote la proximité absolue
de la machine.
Pourtant l’onirisme l’emporte quand de petits êtr’anges volètent autour de l’androïde à l’appareil photo
avant le survol de raies roses aux ailes déployées et planantes… le monde va vers l’étrange, un étrange
moins mécanique ; la contamination se renverse, l’androïde se réapproprie des désirs de l’humain et
de la douceur.
Et l’esprit du visiteur quelque peu fasciné revient à la première station de l’installation : en un cercle
ouvert, une femme à l’enfant dont le regard, l’attirance de chacun va à l’autre ; elle à genoux s’ouvrant
- 4. Espace Croix-Baragnon -