Page 75 - catalogue 2017
P. 75

6. Les Abattoirs Projections



Ailleurs, l’animation à grands traits de peinture compose des corps meurtris, les tracés rouges y surgissent. Elle
réduit son trait pour en faire un groupe compact; elle lance des fulgurances pour la tentative d’évasion d’un homme-
oiseau. Elle afrme l’agressivité mortifère; les haut-parleurs hurlent sans besoin de leur son, les armes tirent, la boue
gêne l’avancée, les squelettes s’entassent.
La plasticité de l’animation-peinture conduit à la limite de l’informe, sans jamais succomber à l’abstraction puisque
sa déformation est métaphorique de la cruauté de l’homme. Il faut continuer à la reconnaître dans son passé comme
dans son présent où l’homme tue l’homme.
Le ficker correspond à la rapidité du voyage au bout de l’enfer, à celle du tueur pour ajuster son tir et tuer. La seule
respiration du rythme est accordée à l’enfant y compris quand, après un dernier regard dans la petite maison, il
s’éloigne dans la neige dont les légers focons apaisent le champ.
Sous son capuchon, seul, il devrait créer l’espoir mais en exergue sur un carton, un prélude poétique et terrifant,
emprunté à T.S Eliot poursuit son travail de sape: « Dans mon commencement est ma fn. » Maintenant la lumière
tombe.
Rossignols en Décembre, fable noire, conduite par un enfant, point. Elle vous donne une blessure dans sa lumière
térébrante.

Simone Dompeyre
7. Vidéos nomades - Goethe-Institut




Comme chaque année, Traverse Vidéo aime arrêter passants et curieux avec des projections en plein air
sur les façades des immeubles de la ville : ce sont ses vidéos nomades.



Jon FRICKEY et Till PENZEK, BankenKrise, 2min (All.)
Ce syntagme « la crise bancaire » est devenu la litanie des
gouvernements justifant par elle la dégradation du mode de vie
des populations et cherchant à entraîner l’acceptation par celles-là
de dons de sommes vertigineuses aux banques… De multiples
titres des journaux, pas plus que la mise sur toutes les bouches de
ce qui sonne comme un slogan, n’ont en rien moralisé le système
de la spéculation ni les fermetures d’emplois. L’animation de Till
Penzek se fait le pamphlet, en une écriture des plus simples, de
cette aliénante explication des systèmes, alors que le titre et sous-
titre sans ambiguïté – BankenKrise (Financial crisis) – dénomme un
jeu conseillé et expliqué aux enfants. Retenant la tonalité pédagogique d’un tel jeu, les phrases sont simples, elles
privilégient les verbes « pouvoir » ou « choisir » ôtant la moindre inquiétude ; avec des impératifs, indiquant la marche
à suivre et un ton qui préfère l’exclamative de l’enjouement quand les explications se cantonnent aux assertions.

Le pédagogique s’abandonne au publicitaire simpliste, embarqué par une musique de foire, de jeux type voitures
tamponneuses ou machines à sous. Même simplicité pour le dessin, deux fgures géométriques élémentaires
forment l’ensemble des motifs ou presque, les têtes et leurs traits et corps suivent le cercle ou l’arc de cercle ; le
rectangle du chemin à suivre est dupliqué en interne selon le modèle du Monopoly. Les éléments à acheter et à
mouvoir distinguent les banques seulement par des couleurs franches. Le plan frontal pour les deux enfants joueurs,
le gros plan pour les tickets de risque, les boîtes de sardines expirées, le plan moyen pour la machine « à spéculer »,
grossissement type jouet de plastique d’un appareil de bureau à découper le papier en lanières… les billets d’Euro
qui volètent ne sont pas plus réalistes. La parodie n’est pas vaine ; le jeu n’est pas seulement du divertissement ou
bien faudrait-il revenir aux textes sérieux et pascaliens et à la défnition de cette pratique ; Pascal reconnaît au jeu
une fonction pragmatique, il protège l’homme du désespoir, sa misère serait trop lourde pour vivre sans le jeu mais
les hommes s’y jettent comme s’il devait les rendre véritablement heureux en oubliant qu’ils en sont les propres
inventeurs.




73
   70   71   72   73   74   75   76   77   78   79   80