Page 78 - catalogue 2017
P. 78

Projections 7. Vidéos nomades - Goethe-Institut



Sylvia WINKLER et Stephan KÖPERL, Alexandra Open, 2min (All.)

« Dans le nord de Belfast, une grande clôture divise résolument
et très explicitement, son parc public, Alexandra Park. Justifée
comme peaceline / ligne de paix, elle a été érigée pour que les
gangs de jeunes catholiques et de jeunes protestants rivaux ne
pussent s’afronter or à la suite d’escarmouches répétées, il y a peu
ou pas de chance que cette barrière entre les deux communautés
soit supprimée dans un futur proche. »
Qui peut écrire Tzaradis, la lente pousse durant 42 jours d’un radis
sur la tombe de Tristan Tzara à Paris, ne peut réagir à l’horrible
quotidien du monde que dans la distanciation et l’humour fort…
ainsi Sylvia d’un côté, Stephan de l’autre, en une belle journée de
soleil ont joué au badminton, au-delà de ce mur dont ils disaient ainsi l’absurdité. Ils poursuivaient ainsi leurs
«interventions dans l’espace urbain» qui, depuis 1997, s’inquiètent de l’état du monde et le signalent.

D.S


Sylvia WINKLER et Stephan KÖPERL, Staring at the stranger for a long time (All.)


Un couple, un collectif d’action urbaine… le collectif allemand
Sylvia Winkler et Stephan Köperl a fracturé, dès 1997, les habitudes
des passants des rues du monde pour ébranler leurs certitudes de
regardeurs des vidéos du monde. Cette fssion de l’atome social ne
part pas de rien puisque l’observation tenace des manières d’être
sociales est le fondement de chacune de ses interventions. La
simplicité des protocoles prouve que la motivation est ailleurs, non
techniciste mais conceptuelle. Image de repérage d’une ville, en
l’occurrence Chengdu, la vidéo s’approche de plus en plus d’un
regard plus sociologique sur ces passants. Ils y savourent, mine de
rien, le décantage du comme-il-faut-social.

Ainsi la captation est-t-elle patiente sans changement d’axe ni
d’angle. Un demi-ensemble d’une rue achalandée de la Chine
profonde, les magasins-hangars typiques sont surmontés de leur enseigne et grand ouverts sur la rue… plus ou
moins défoncée, ce qui n’empêche pas la circulation des deux roues désormais motorisées dans une déclinaison
de scooters, motos plus ou moins proches des modèles de marques occidentales. Cependant, comme l’aurait dit
Zazie – celle du métro et de Queneau – Kouayavoir – en efet, ces Chinois s’arrêtent pour comprendre et lire ce que
Staring at the stranger garde dans son hors-cadre défnitif et défnitionnel.
Silence iconique que l’installation-document de cette action urbaine explicite : Sylvia Winkler et Stephan Köperl
en simples pulls de laine, sans artifces, debout, tiennent sans efet ostentatoire, au bout des bras baissés, une
pancarte papier blanc sur carton porteuse d’une inscription en langue du pays. Ces idéogrammes ont été recopiés
dans le « gros dictionnaire sino-allemand » dans l’article concernant Zhu Shi / regarder quelqu’un, et qui prend pour
exemple de ces caractères : regarder un étranger durant un long moment, en anglais staring at the stranger for a
long time, ce qui devient le titre, et l’invitation écrite : « regardez-nous .»

Et on leur obéit, avec plus ou moins d’audace, visage à travers la portière, visage tourné depuis sa moto ou son vélo,
à pieds, on regarde, homme et femme, quel que soit l’âge, sauf peut-être les enfants portés par la mère ou le père à
la mode branchée occidentale sur le ventre, parce que trop jeunes... mais à la fn, une vieille dame avec sa veste
de soie canonique s’arrête en croquant des graines. Des portraits se dessinent et des distinctions.
Si certains épellent ainsi que le dessinent le mouvement des lèvres sans mimique de satisfaction, d’autres en
saisissent les mots et en rient. Car ce qui s’immisce ce sont les transformations des Chinois, leur diférence entre
eux. Croisant des rickshaws plus ou moins abîmés, quelques voitures individuelles même si rien de tapageur, la rue
est une rue typique de la Chine d’avant mais.


76
   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83