Page 73 - catalogue 2017

6. Les Abattoirs Projections

Dania REYMOND, Oscilloscope 1 - Physique de l’Evangile, 8min (Belg.)

« Le cinéma, c’est de la lumière, des mouvements, du soleil, de la lumière, de
la respiration, des battements de cœur. » Jonas Mekas
Le cinéma comme ombre et lumière selon des variations
parcourant du clair-obscur aux fashs. Dania prend à la lettre
cette reconnaissance, en travaillant l’image de la lumière mesurée
par l’appareil que désigne le titre de ce footage très particulier. Il
s’empare de brefs fragments du Pasolini de 1964, L’évangile selon
Saint Mathieu : La montée au Golgotha, la crucifxion et la Passion
transformés en sinusoïdes à l’aulne du fltre de l’oscilloscope intégré
à un logiciel de montage chargé de vérifer habituellement le PAD-
prêt à difuser de la vidéo. La bande son y puise les musiques de
culture et de tonalité diverses pour l’exaltation alors que les images
sont devenues physique pure ; traduites en signaux électriques, selon les variations de l’amplitude des intensités
lumineuses, les mouvements ondulatoires à travers lesquels parfois se dessinent tel drapé ou tel élément de la
croix que l’on dresse sont portés par la musique, elle, non altérée. Les fgures devenues abstraites, rapportées à
la plasticité reste fdèle à l’esprit de l’œuvre première mais la lecture est toute sensitive, multisensorielle, le flm est
haptique. Et ce dans le bonheur d’une visite des plus personnelles du flm pasolinien.

D.S
Moussa SARR, Versus, 35sec (Fr.)
Moussa Sarr s’autoportraiture dans des postures dérangeantes
sans jamais se départir de l’auto-ironie ; il est totalement conscient
qu’il tient un rôle pour obliger à penser, à revenir sur ces clichés qui
font appréhender le monde et le conserve tel qu’il est. Homme noir,
il jette les préjugés qu’on lui porte : singe en rut, homme menotté…
Versus difère mais avec toujours la même efcacité, il y brise
le miroir de ce refet, de cette image qu’il a contribué à difuser.
Le dispositif allie une fronde – de celle des enfants turbulents
d’autrefois, de celle de chasseurs de forêts, à une caméra et à un
miroir. Moussa Sarr actue lui-même, dans un geste performatif ;
lui-même tend l’élastique et tient le projectile à pointe blanche ; une caméra est attachée à la main qui tient celle-là;
dans l’objectif se distingue le miroir qui enchâsse cette posture.
35 secondes, la fronde est « activée », un bris de glace envahit le noir iconique. 35 secondes pour le suicide de
cette image qui, en intégrant l’acte assure simultanément l’éternel retour de ce versus. En accord avec l’étymologie
du Versus titrologique, il correspond à la conjonction latine « en face de » puisque Moussa vise l’image de Moussa.
Simultanément, il oppose l’image du refet en accord avec l’évolution du terme – certes le plus souvent en
abréviation vs, versus signale l’opposition de deux parties, de deux propositions, du type « vrai vs faux ». Moussa
Sarr, cependant, se joue encore de nous car c’est l’image vidéo qui vise le refet de l’image vidéo… lui pourra
continuer à jouer avec l’image et de nous.
D.S
Stéphane SOULIÉ, Nature Morte Vivante au Gâteau d’Anniversaire, 1min42 (Fr.)
Les tableaux mouvants de Stéphane Soulié explorent un espace-
temps où la vie est un état défnitivement transitoire et tout être,
un mort-vivant. Immobile et en perpétuel mouvement. Chaque
tableau, fait d’allers-retours entre décomposition et recomposition,
apparition et disparition est comme une respiration.
A la frontière entre recherche artistique et biologique, Nature Morte
Vivante au Gâteau d’Anniversaire invite à observer les mécanismes
de transformation et de renaissance, générant de nouvelles formes
de récits et de nouveaux systèmes de lecture.
A l’instar des peintres du XVIème siècle, l’auteur interroge
patiemment les rapports au temps, à l’altération, à la fragilité.
Cependant, en abandonnant un certain contrôle, il désacralise son oeuvre minutieusement orchestrée, favorisant
ainsi la prolifération de surprises, de révélations, de poussières, d’odeurs, de troubles et de secrets.
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