Page 79 - catalogue 2017
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7. Vidéos nomades - Goethe-Institut Projections



Un costume Mao y survit ainsi que deux ou trois traces d’uniformes parmi des vêtements mondialisés, sans grande
coupe dans ce quartier populaire sauf pour cette jeune femme en jupe à plis couchés et grande ceinture ou ce cadre
en veste bleu marine avec sacoche en bandoulière ... L’empire du milieu a changé de modèle.

On va dans la rue, pour de nombreuses raisons y compris la promenade ou l’achat - une poche Zara est tenue; on
y marche seul, entre amies ou en couple qui désormais se touche la main pour marcher.
Cependant si la curiosité fait arrêter la plupart avec plus ou moins d’aplomb et de perplexité, certains passent et
n’osent revenir que quand le groupe s’est agrandi... Ceux qui seuls hésitent à s’arrêter, plus encore à commenter,
dès lors que le processus est enclenché, se groupent, se tordant le cou, se penchant pour accéder à ce qui est à
voir, ils tentent le sourire, l’afchent, puis ils rient; une certaine liberté se fraie mais sous le nouveau code social
qui s’impose. Ainsi le modèle occidental se glisse. Et l’on participe à l’essai photographique d’une jeune flle qui
parle anglais. Celle-ci entrant dans le système de la photo à faire, demande de prendre en photo les deux artistes,
et provoque une saynète devant sa difculté à appuyer sur le bon bouton.

Le protocole simple passe inopinément de la proposition d’être regardés sans exhiber «alors que nous vous flmons»
puisque une caméra surmonte l’afche très simplement entre Sylvia Winkler et Stephan Köperl, à être à leur
tour, captés.
Si l’exploration du lieu de la rue comme scénique réclamait de prévoir les circulations des personnes et leurs
possibilités d’écoute et d’attention, le protocole qui se fondait cette fois sur la maîtrise du pictogramme, sur une
pratique de l’écriture mais aussi sur une connaissance des exemples canoniques du dictionnaire, rencontre une
autre leçon des choses. Regarder y compris désormais en Chine passe aussi par l’appareil photo...


Simone Dompeyre


Sylvia WINKLER et Stephan KÖPERL, Smart Songdo Song, 6min17 (All.)

Sondgo, en Corée, est le nom d’une ville gigantesque gagnée
sur la mer et construite uniquement par des fonds privés.
Hyperconnectée, elle a la capacité de collecter et de traiter toutes
sortes d’informations, cependant elle se targue d’être conçue
comme une ville durable, écologique.
Pourtant Sylvia Winkler et Stephan Köperl en refusent la bonne
conscience et balaient ce qu’ils taxent de « mythe de la croissance
infnie et éternelle dont doutent tous les jardiniers ». Ils expriment
leur refus des villes marchandisées qui modèlent des citoyens
modélisés dans un dernier opus activiste chanté. La song de
Songdo.
Lui et elle, en manteau sombre, debout, cheveux balayés par le vent, se partagent la fonction : Stephan est homme-
orchestre sans autre instrument que son corps; il bat sa poitrine de son poing et soufe jusqu’à perte de sa respiration
car la cadence de ce que chante Sylvia est de rock, entraînante.
Droits, sur le fonds de ciel bleu grisé, avec en profondeur du champ, une de ses tours nouvelles d’acier et de verre,
qui refusent le strict parallélépipède, et qui rivalisent à celles qui sera la plus haute : ils font musique. D’abord les
paroles décrivent ces zones d’économie libérale... mais subrepticement, la caméra découvre l’espace plus près
d’eux, embrassant en arrière-plan, d’autres immeubles... et lorsqu’elle crie le conseil « appropriez-vous le sol »,
celui-ci est flmé, d’abord d’herbes folles avant quelques rangées de plantes, celles qui ont poussé grâce à l’eau
transportée par les jardiniers.
De lieu en lieu, de continent en continent, de flm en flm, Sylvia Winkler et Stephan Köperl prouvent que l’on peut
se liguer en vidéo contre les « promoteurs immobiliers planétaires» y compris quand ceux-là font mine d’adopter les
meilleures intentions du monde pour le sauvegarder.

Simone Dompeyre






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