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l’attention sur l’image seule, la sérialité exprimée de ces quatre vidéos ouvrant
référence vers une autre « layer », une autre couche de sens :
« Ma série concerne le travail domestique, la répétition, le travail qui n’en finit jamais,
fait dans la routine quotidienne. J’ai commencé par le travail ménager et c’est aussi
pour ça que ça parle de la société – spécialement en Asie. On attend des femmes
qu’elles soient les ménagères et fassent le travail de la maison », interview au Sunday
Sun Festival Utah, États-Unis, en 2014.

La série exprime plus que n’en dit Kawita car cette référence à la situation des femmes,
même si elle se réalise sous une forme ludique (qui pour nous, Français, n’est pas sans
rappeler le travail de Jean-Paul Goude) des performances avec une réelle difficulté
physique, cette référence évoque la pénibilité de ces travaux indéfiniment routiniers
qui constituent le sort des femmes encore en Asie, surtout dans les milieux ruraux.
« Bien sûr, je suis féministe. »

Mais la pénibilité propre aux situations de ces vidéos, même si l’empathie est
désamorcée par le comique de l’absurde, fait référence aussi – au moins, pour nous,
Occidentaux, marqués par la culture chrétienne et peut-être aussi pour elle, qui a
passé une grande partie de sa jeunesse en Australie –, à une sorte de Kawita en croix,
prenant sur elle, la douleur des femmes asiatiques, comme si ainsi, magiquement,
elle croyait pouvoir les en délivrer. On n’a d’ailleurs jamais interrogé le côté magique
donné à l’interprétation du Christ : magie blanche contre magie noire ou inversion de
la magie noire : non plus espérer blesser à distance la personne réelle en blessant
une poupée, un fétiche mais tenter d’endurer en son corps toute la douleur du monde
pour l’enlever de ce monde.
La dernière vidéo programmée The Lift, plus récente,
elle date de 2017, dure plus longtemps que les
précédentes : 6min14. Elle est beaucoup plus dépouillée :
sur ce fond bleu, n’ont lieu que les multiples descentes et
montées de Kawita supportant un énorme panier chargé
de papayes entre ses bras qui tiennent ses jambes repliées.
On peut y saisir encore la pénibilité de la position – elle doit
tenir la tête droite – d’autant que ses montées-descentes
se font souvent par à-coups, comme si elle était hissée
manuellement. Elle explique qu’« elle devait se contracter
et durcir ses muscles afin d’équilibrer le panier pour que les
objets ne tombent pas, tout en gardant le menton en l’air. »

Le caractère dépouillé de l’image et la répétition du même
mouvement d’une descente laborieuse qui s’arrête à

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