Page 196 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Installations Lycée Ozenne
Lycée Ozenne
Paroles d’une professeure :
Dans un lycée, l’image est maintenant partout, à chaque moment, sur les écrans des ordinateurs
dans les salles de classe, des smartphones dans les mains des élèves, des téléviseurs qui
affichent des informations dans tous les coins de l’établissment. Et Traverse Vidéo est dans
ce foisonnement d’images plus ou moins indifférentes, l’occasion d’en projeter qui soient
intentionnelles, construites, montées, qui tiennent leur sens des créateurs qui les ont élaborées,
et leur puissance de leur capacité à faire œuvre, et non plus seulement information ou support.
Et c’est toute la différence que Traverse Vidéo permet de mettre au jour.
Les films se proposent au regard durant tout le temps du festival, au bas des escaliers, dans
la file d’attente du self, à l’entrée du CDI, sont parfois entrevus et pas toujours regardés. Mais
leur possibilité est là, comme autant de trouées d’une image différente qui se propose au
regard. C’est cette liberté qui importe, c’est elle qu’on retrouve dans les réactions aux films
programmés, spontanément ou dans le cadre du cours.
Voir un film expérimental avec une classe, pour en parler, y réagir, exercer son regard et le formuler,
c’est avoir la liberté d’aimer ou pas, de construire des références, de discuter de cet étrange
objet qui a pénétré dans l’enceinte du lycée, pour se l’approprier, et constater qu’on voit mieux
en revoyant, qu’on comprend mieux en en parlant, qu’il y a des signes et des arrière-fonds
derrière les images, qu’on peut les dénicher et les relier « en toute liberté ». Car il n’y a pour
les décrypter aucun manuel ni programme scolaire, aucun contrôle de connaissance à la clef,
aucun bon élève qui saurait ou de mauvais élève qui ne saurait pas : tout regard est alors
légitime, est libre de s’y engager, ou pas, ou plus tard. C’est cette liberté d’approche et de
confrontation qu’ont apportée les films de Traverse Vidéo dans le lycée Ozenne, vers un ailleurs
créatif qui se propose sans s’imposer.
Quant au vernissage lui-même, qui se déroule au milieu de l’activité habituelle de l’entre
« midi et deux », il a apporté la part incarnée de ces engagements dans l’expérimental :
la performance de Sophia El Mokhtar (cf. p. 167), qui a habité la cour toute la matinée et
embarqué les élèves au hasard, dans un suspense de l’inhabituel ; le chant lyrique d’Alexis
Garcia et Claire-Lise Bouton (cf. p. 173), comme un impromptu incongru ; les cinéastes venus
tout exprès pour parler de leur travail, voir se projeter leurs films : Luis Grane débarquant de Los
Angeles pour Pachinko (cf. p. 201), ou Amandine Julien confiant à l’entrée du CDI son très
beau Anthracite (cf. p. 198), ciselure en noir et blanc du rêve et du fantasme, qui a défilé tous
les jours devant les centaines d’élèves entrant et sortant du CDI, comme autant de possibilités
recommencées.
Anne-Pascale Boube
Professeure de philosophie
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