Page 37 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Cinémathèque de Toulouse Projections
incluant slogan et peuple en sourire, l’autre portrait canonique en pied, tourné vers
le futur qui luit, est brandie en vénération alors que le moindre objet que Mao ait
cité dans ses paraboles pédagogiques devient source de la même considération.
L’outil qui doit serrer la vis, l’aiguille d’argent voire la pomme rouge enveloppée d’un
tissu satin rouge passent concrètement de main en main comme verbalement de
bouche à bouche, intégrant autant de plans-portraits de jeunes ouvriers, d’artisans
âgés, de paysans vêtus encore traditionnellement mais désormais acquis à Mao.
Tous les Chinois sont ainsi convoqués, ceux qui savent et le texte est singulièrement
et fréquemment décliné : de nombreux plans taille rassemblent les écrivants avec
crayons, plumes, supports, en actes d’écriture comme en actes de lecture. Tout cela
s’avère étrange et détournement puisque nous, nous savons combien les lettrés ont
été arrêtés, torturés, humiliés, assassinés.
Cependant, la propagande « doit » être unanimement entendue. Tous sont convoqués,
les gardes rouges ont aboli leur différente classe d’origine et ils étirent tous désormais
le même argumentaire, répètent à l’envi le même credo jusqu’à la jeune sans diplôme
prouvant que quiconque est susceptible de participer au changement de la Chine.
La phraséologie puise dans celle de la persuasion, du devoir et du bonheur atteint :
« il a dit/nous devons/être capables/mission/loyauté/espoir/bonheur ».
Plus impromptu, se glisse dans ces incantations, un rappel en humour noir quand telle
jeune garde rouge se distingue du groupe en se levant, avant d’être rejointe par tous,
en un échelonnement temporel. Elle y décrit l’attente longue et longue de Mao par les
jeunes sur... la Place Tian’anmen, devenue pour nous Occidentaux, emblématique de
l’oppression des jeunes étudiants.
Les plans dessinent l’emprise de l’idéologie sur ces personnes qui n’existent plus
que pour l’autre et elle s’exprime en langue verbale comme corporelle : les mots
répètent à satiété en une succession de plans très parents mais de films différents
avec les mêmes mots, les mêmes regards, les mêmes gestes alors que les situations
ne changent que selon la région de tournage mais pour adopter un schéma commun.
La musique vient directement de ces films, elle joue la corde de la sensibilité, de
l’appel, de l’esprit de groupe : de l’exaltation.
Musique aussi des mots : le nom du Chef et ses désignations, ainsi « Mao Zhuxi/
président Mao », sont repris en solo, en écho ou en unisson, souvent en pleurs en
rires. Le « oui » en gros plan adressé se réitère et doit se répandre. Les mots sont,
pour ce faire, proférés par des êtres, au corps toujours raidi, bandé comme un arc
puisque porté par la force que ce chef irradie. Alors l’une se lève et les autres l’imitent.
Alors le corps s’arrête, se tourne, alors le plan s’approche saisit le tournoiement du
corps, de la tête. Le montage exclut toute narrativité linéaire mais, pour emprunter au
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