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Projections  Cinémathèque de Toulouse

Chachee Valentine, La Flamme

7min13 | États-Unis

Il faudrait citer les paroles qui induisent et portent le film : celles de Chantal Akerman –
La Flamme. On ne peut que dire l’émotion de l’écoute du grain de sa voix et des trois
fragments d’elle. Elle qui prit l’exil de sa vie en 2015, ce que suggère un carton, qui
après un « Mazel Tov » de souhait, et précisant qu’elle est enterrée au Père Lachaise,
la désigne non seulement « pionnière » mais métonymiquement comme « le cinéma ».

La Flamme marque l’absence par la chaise vide, les murs blancs avec le tableau
monochrome blanc lui-aussi… la voix cependant habite le lieu.

Elle anime le désir et l’écriture de ce mémorial fait dans la plus juste des fidélités, avec
le geste du quotidien, avec la vie domestique de la femme.

Le film passe de l’extérieur à l’intérieur, du temps clément au temps de neige, du ciel
sous les branches de l’arbre au ciel imprécis de mouettes indécises, il privilégie le
lieu domestique selon le « trajet » de la chambre à la cuisine. Il fait ce que l’œuvre de
Akerman induit et fait chemin faisant sa propre écriture : le plan de demi-ensemble
suit la jeune femme jusqu’à son lit où elle enfouit la tête sous l’oreiller, s’assoit plus
tard ou, privilégiant la jambe et le pas, le mouvement la suit jusqu’à la cuisine en
chaussettes ou pieds nus… jusqu’au réfrigérateur ou ouvrant le four… et tenant ses
pages de travail.

On se souvient du détournement d’une commande concernant un documentaire sur
Israël, tourné à Tel Aviv et monté à Paris, en 2006, où en voix off, Chantal Akerman
revenait à des questionnements très personnels sur l’exil et le repli y compris de soi,
le temps, l’espace et les tâches ménagères qu’elle taxait d’« héroïques ». Ces tâches
sont le fonds de Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, qui se
dévoue à une lente et absolument précise observation/reconnaissance de ce qu’une
femme fait, comme éplucher des pommes de terre, quasi en temps réel alors que le
film confondait le projet avec cette autre figure inoubliable Delphine Seyrig. Akerman
assurait : « C’est un film sur l’espace et le temps et sur la façon d’organiser sa vie
pour n’avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l’angoisse et
l’obsession de la mort. »

                                                 La Flamme obéit au mot répété par Akerman
                                                 de « rituel » en répétant son quotidien, mais
                                                 elle ne vogue pas sur ce terrain anxiogène
                                                 alors que son admiration affectueuse l’entraîne
                                                 à des lumières en décoration, en bocaux,
                                                 en balises pour une coulée de sel/sucre ou
                                                 incongrûment dans le four.

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