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Projections Cinémathèque de Toulouse
Guillaume Vallée, Kinski Wanted Herzog to Direct but He Turned It Down
6min15 | Vidéographe, Canada
Un hommage paradoxal à Klaus Kinski, figure emblématique de l’histoire du cinéma
ou comment imaginer et réaliser la possibilité de ce qui aurait pu se dérouler.
L’œuvre jamais réalisée et dont la conception potentielle a intrigué Guillaume Vallée
au point précisément de le pousser, lui, à cette réalisation concerne la tumultueuse
et étrange relation entre Werner Herzog et Klaus Kinski, duo réalisateur/comédien
hautement électrique. En effet, après de nombreuses années de collaborations
artistiques fécondes, Kinski proposa un scénario à Herzog à propos du violoniste
Paganini et d’en faire une évocation personnelle. Il se heurta à de multiples refus
d’Herzog quant à la réalisation de ce film et le réalisa lui-même en 1989 ; ce fut
notamment son dernier film mais aussi le seul où il endossa à la fois les fonctions de
réalisateur et de comédien.
Face à ce désaccord Kinski wanted Herzog
to direct but he turned it down/Kinski
voulut que Herzog réalise mais il ne voulut
pas a pour projet de prendre en charge les
émotions de Kinski nées d’un tel refus. Le
film mêle fragments de Aguirre, la colère de
Dieu dans lequel Kinski tient le rôle éponyme
et de Ennemis intimes, par lequel Herzog
exprime leur relation conflictuelle, portraiturant Kinski en déséquilibré potentiellement
dangereux quoique plein de talent. L’ambiance psychédélique, puisque les couleurs
complémentaires se succèdent si rapidement qu’elles s’entrechoquent entre nuances
de rouge, de cyan et de vert, y est métaphore de cet amour-haine. Psychédélique
aussi puisque les émotions de Kinski, chaotiques, border line s’y découvrent. Des
pensées simultanément fictives et réellement vécues se lisent sur les mimiques
récurrentes de l’acteur, en un montage alterné avec des aplats de couleur et des
formes abstraites alors un sourire, une grimace suivent ou précédent de régulières
explosions de coloris aux silhouettes aléatoires.
Sans réelle narration, l’écriture décousue, que ponctuent des sons atmosphériques,
des bruitages de rembobinage ainsi que des voix imperceptibles aux mots
incompréhensibles fait de l’œuvre l’écho d’un rêve brisé.
Thibault Gaugerenques
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