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Projections  Cinéma ABC

se saisit en ellipse, à la lumière de l’aube du midi ou du crépuscule, la composition
n’étant intangible qu’en apparence, puisqu’à travers la vitre, frontière matérielle
enfin transgressée, se dévoile le pourrissement des fruits.
La transition sonore devient menaçante, les plans se saccadent et quelques
photographies et objets mémoriels se superposent au reflet de l’artiste, coiffé d’une
sorte de fez. Longuement, se réitère la référence à l’Elma Çayi et l’étude du service
à thé, notamment comme prisme de lumière, tend à l’adoration de l’objet comme
trace d’un ailleurs lointain, empreinte d’une expérience passée. En explicit, Da
Mata jette un dernier regard sur son reflet sur la vitre extérieure, celle-là même qui
a abrité le pourrissement des pommes.
Les fragments transitent à la façon de diapositives. Le montage fonde une nouvelle
temporalité qui n’est plus celle du quotidien mais celle des souvenirs et des émotions
de l’artiste. L’artiste qui recherche une « lumière intérieure qui ne serait pas
seulement le reflet de la lumière du monde extérieur mais susceptible de transcender
la vie quotidienne. »
Ainsi, Wild Heart/Coração selvagem de Paulo Aureliano Da Mata se fait écho de
l’œuvre éponyme de Clarice Lispector Perto do coração selvagem/Près du cœur sauvage
elle-même inspirée par Joyce. La jeune auteure s’y dessine sous les traits de Joana,
jeune fille bientôt femme de 18 ans qui, par de nombreux monologues intérieurs,
s’analyse, se cherche, se libère.
Da Mata mobilise l’héritage de la littérature, Woolf, Proust, Joyce et ainsi Lispector
puisque l’œuvre s’écrit en un courant de conscience/stream of consciousness et que l’image
aux couleurs anachroniques s’avère emblématique d’un souvenir, d’un futur possible
ou simplement celui d’un instant de vie.
La recherche ne se définit pas par l’étude objective des phénomènes extérieurs, elle
est introspective.

                                                                   Valentin Labatut

Yvonne Calsou, Fragilités

5min15 | Toulouse

Yvonne Calsou aime les arbres, aime « imager » les arbres ; ses diverses écritures
en peinture, en vidéo, en installation les chantent non en une écologie au premier
degré, mais en une écologie au sens d’habiter la terre poétiquement, en création.
Ainsi après le dessin à la chaux, sur un chantier en construction, de la silhouette
d’un arbre d’emblée vouée à disparaître non seulement par ce matériau mais parce
que tracée sur une friche urbaine, Fragilités évoque son attachement à la question
de l’évanescence des choses, à sans doute aimer d’autant plus qu’elles sont à

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