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Cinéma ABC Projections
sont tels ou tels éléments qui se reconnaissent ou s’enfoncent dans l’imprécis. Les
murs pleuvent. L’intérieur et l’extérieur ne font plus qu’un pour ce home video au
sens littéral de la prise en intérieur et « film de chambre » comme on dit pour la
musique.
Ce sont les traces le chemin, le titre se souvient des vers de
Caminante de Machado dont la poésie retient, souvent, le
chemin comme métaphore de la vie et du lieu réel : un
chemin, une promenade au temps de la tombée de feuilles
en Espagne. Cet « exercice à prise unique » opte pour une
contrainte différente – son principe : une seule prise de
vue en plongée, en marche ; l’accélération de la prise et
couleurs et montage actif. Avec la limite, Linda fait poème
en vidéo et question du temps. Machado écrit que ce ne
sont que des traces, le chemin et rien de plus et que « Al andar se hace el camino/en
marchant se fait le chemin. » Linda le pratique et ajoute « al filmar/en filmant » se
fait le chemin.
Ainsi rien de folklorique, de typique ni même d’indiciel, seules se distinguent en
deux ou trois occurrences, les feuilles se superposant et en couleurs transformées. En
effet, de grands traits accumulés, hâtifs saturent le champ et changent de direction
sous des voix murmurées. La colorisation s’empare du champ dénaturalisant le
chemin annoncé, avec le mauve en dominante. Les tracés varient en épaisseur ou se
perdent dans leur amas, devenant texture vidéo, tissage sous un brouhaha avant de
revenir à l’iconicité de feuilles en couleurs loin de leur famille de plantes. Le retour
du même instaure une temporalité hors temps mais celui-ci rejaillit en l’icone des
feuilles. Par ailleurs, Floor drama 2 en son deuxième terme ramène à la question du
« je » qui écrit, le refus de l’iconicité s’avère paysage intérieur sans dévoilement
autre que le jeu pictural de cette balade en vidéo. Le travail est performatif mais
non exhibitionniste.
L’artiste dit :
Pour Diaries : « Journal vidéo… une vue depuis la fenêtre de ma maison, cette
année-là… Le typhon de force 8 sévissait – pas d’école, pas de travail. J’“écris” avec
ma caméra comme d’habitude. Immédiatement. Comme une écriture automatique.
Ou une écriture libre. La longue prise initiale a été retravaillée afin d’analyser la
manière dont le montage préserve un ici et maintenant différent. »
Pour Ce sont mes traces le chemin : « Souvenirs, désirs, histoires et empreintes de
voyages… ne laissent que des traces visuelles de textures fugaces. Ce sont mes traces le
chemin est un moment, celui d’une promenade impromptue à Séville, en Espagne où
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