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Musée des Abattoirs Projections
la honte, etc. Ce qui m’a fait comprendre que lorsqu’on est enfant, on est à la merci
de ses parents. Et j’ai toujours trouvé injuste de m’entendre dire : « Bon, tu es adulte
maintenant, tu es responsable de tes actes, tu ne peux plus accuser tes parents… »,
alors je réponds « Qui est cette personne adulte ? Quelle est son histoire ? ». Ce
n’est pas parce qu’on a 18 ans qu’on a un nouveau cerveau ou un nouveau passé.
On est plus mûr, on est censé être plus sage, mais cela n’efface pas toutes les horreurs
que les parents nous ont fait subir quand on était petit.
Qu’est-ce qui vous intéressait encore dans le questionnement du « pouvoir » des parents « créateurs »
vis-à-vis de leurs enfants « créations » ?
Ce qui m’intéressait, c’est cette mentalité détestable que j’ai vue partout autour de
moi. Les enfants forcés de vouvoyer leur père et leur mère. Les parents qui voyaient
leurs enfants comme de petits humains que l’on devait instruire et non pas éduquer,
et que l’on punissait quand ils se trompaient, sans leur expliquer pourquoi telle
chose est bonne ou mauvaise. Je déteste l’idée que les enfants sont la propriété des
parents, qui pensent avoir le droit de leur faire ce qu’ils veulent. Les parents qui
croient que s’ils ne leur crient pas dessus ou qu’ils ne les battent pas, leurs enfants se
retourneront contre eux… À la moindre occasion, ils se sentent « obligés » de leur
montrer qui commande.
Pourquoi étiez-vous, en particulier, intéressé par les souvenirs de violences éducatives et les non-dits
que les parents du protagoniste ont eux-mêmes vécus ?
Je suis parti de la théorie selon laquelle la violence prend souvent sa source dans
l’enfance de l’agresseur. Je me suis donc penché sur la maltraitance subie par les
parents durant leur enfance et qu’ils prolongent en étant violents avec leurs enfants.
Il était trop simple de tout mettre sur le dos des parents et d’en faire l’unique thème
du film, et cela n’aurait pas bien reflété la vérité. Ce qui est tragique pour les parents
du film, c’est qu’ils ne voient pas le mal dans le comportement de leurs propres
parents. Pour moi, c’est un constat affligeant. Du coup, cela justifie ce qu’ils font
subir à leurs enfants. Certes, il n’est pas facile d’admettre qu’on a été de mauvais
parents ou des parents violents.
Comment avez-vous assemblé votre composition animée ? Êtes-vous parti du montage sonore ou
avez-vous travaillé l’image et le son en même temps ?
Je voulais trouver un moyen d’illustrer la cruauté de la maltraitance mais sans me
contenter de représenter le texte, par exemple, quand la voix off dit « couteau »,
je ne voulais pas montrer un couteau, je ne cherchais pas à mettre en scène des
souvenirs. Et là, je me suis souvenu que j’avais de vieilles photos de famille prises
à des enterrements et en les regardant de plus près, j’ai vu qu’il y avait de jeunes
enfants – 4 à 7 ans – qui participaient à ces veillées auprès du cercueil. Ce fut mon
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