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Musée des Abattoirs Projections
S’ouvre alors une troisième séquence qui, au bout d’un certain temps, émerge de
l’intérieur même de la séquence précédente : elle n’en est pas détachée mais vient
plutôt la recouvrir peu à peu. Troisième signe. L’œil en déroute ne peut plus faire le
sens de ce qu’il voit par ses propres moyens ; cet échec de notre faculté de synthèse
active ne conduit pourtant pas à une perte de tout sens mais à l’appréhension,
sous forme subie, d’une vérité qui devient de plus en plus nette et qui se manifeste
en s’immisçant dans les interstices des aveuglants éclairs. Car dans l’impossibilité
d’unir tout ce qui se succède se devinent, de façon presque subliminale et entre
chaque flash, des images inquiétantes, images de lutte, de corps abîmés, de corps
tués – qui placent la mort au cœur de la lumière et qui en imposent la présence
au spectateur. Corps trop irradiés de lumière, trop exposés, tourmentés et rendus
poreux à l’énergie lumineuse qui les baigne et les traverse. D’autres images, tout
aussi fugaces, continuent à se livrer à nous et donnent le sentiment de cette vision
panoramique prêtée aux mourants, qui voient leur existence condensée redéfiler
en vitesse accélérée. La lumière apparaît comme le révélateur d’un désastre qui se
perçoit en creux.
Une dernière succession photographique, de la nuit au jour, ralentit le rythme effréné
auquel l’œil a été exposé. Reste alors un calme hébété après cette surexposition et
ces images – qui ont défilé si vite qu’elles n’étaient ni cachées ni visibles. Images :
autant d’éléments destinés à faire signe vers un sens qu’elles ont permis, brièvement,
d’approcher de plus près, sans permettre de le saisir complètement. Des dieux ou de
l’horreur, il n’est permis que de les entrevoir.
Ivan Trabuc
LuisCarlos Rodríguez Garcia, Collage#10
5min16 | Espagne
LuisCarlos, malaxe, triture la matière
cinématographique. Il explore des
films dits d’épouvante et d’horreur et
en retire une autre vision. Il part en
quête de scènes de films des années
1960, 1970 de Dementia 13 – Copolla –
à La nuit des morts-vivants de Georges A.
Romero ou Le Survivant de Boris Sagal
et son découpage, ses surimpressions donnent la sensation d’explorer le temps.
L’exploration, c’est bien ce qui caractérise son travail, il lui faut passer et repasser
par la même scène, le même photogramme pour arriver à « coller » et donner un
mouvement qui embarque en un autre voyage cinématographique, sans épouvante
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