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Musée des Abattoirs Projections
découvert à un stade terminal, Clarice Lispector a accepté une interview de la
télévision brésilienne, à la seule condition qu’elle ne fût diffusée que posthume.
Clarice est née dans un petit village ukrainien, Chechelnik, connu pour ses mystiques
juifs, et qu’elle a quitté avec sa famille pour Recife où elle a vécu deux ans. Après
la mort de sa mère, alors qu’elle n’a que 9 ans, la famille déménage à Rio. En 1944
elle vit en Europe avec son mari, diplomate brésilien, puis rentre à Rio en 1959, où
elle vit à Copacabana pendant de longues années.
J’ai filmé ces images à Copacabana, où j’ai moi-même vécu dans les années 1960,
comme Clarice. J’ai également intégré des pages dactylographiées de poésie
concrète, mouvement emblématique de la littérature brésilienne de cette époque.
La bande-son se nourrit également de musique brésilienne – principalement des
années 1960 et 1970, comme Vinicius de Moraes par Nana Caymmi.
Pourquoi HIATUS ?
Parce que c’est le moment où je me sens vivante.
Vivant entre deux villes, travaillant à deux grands projets, réalisant mes montages à
distance avec Ruti Gadish, qui vit en Israël alors que je vis aux États-Unis. Dès lors
une accalmie s’impose.
Pourquoi Clarice ?
Parce que nous partageons une histoire familiale similaire et des racines brésiliennes
et surtout parce que sa personnalité introspective et retirée me fascine, tout autant
que son œuvre.
Savina Topurska, Ivaylo
3min46 | France/Bulgarie
C’est un film qui ressemble à un exorcisme. Un
exorcisme doux, sans cri, sans gesticulation.
L’exorcisme d’une personne qui s’est soudainement
retrouvée face à un précipice et qui a eu peur d’y
tomber. Puis le précipice est resté en elle, elle s’est
senti fragilisée, ses racines prenaient moins au sol,
le moindre vent pouvait la plier, la casser. Alors
elle a fait un film. Pour dire les choses, pour mettre
des mots et des images sur ce précipice, pour constater que ce précipice dans sa vie
serait toujours là, et que cela n’a pas plus d’importance que ça, c’est la vie, c’est
le hasard, c’est l’absurde, c’est la mort. Alors autant danser entre chien et loup, et
essayer, nous spectateurs, de dessiner l’histoire de la famille de Savina. Et de glisser
notre histoire dans les interstices.
François Grandjacques 141