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Installations Prép’art
d’un film ou d’un portrait photographique. Il existe ainsi un trouble dans son
comportement, une hésitation entre l’attente induite par la situation et le désir de
relâchement. D’autres œuvres se jouent du réel. Ce que nous voyons à l’écran n’est
pas fatalement synonyme de vérité ou d’authenticité. L’artiste demande parfois aux
individus filmés de rejouer une scène quotidienne : regarder la télévision, faire la
cuisine, manger, bricoler dans l’atelier. En ce sens, ils deviennent les acteurs de
leur propre quotidien, de leur propre réalité (15.05.1960, 2015). Evelyne Grossman
écrit que l’art et la littérature nous initient à « ne plus avoir peur de la violence de
nos pulsions, de nos sensations ; expérimenter, explorer, y aller voir d’un peu plus
près, franchir les barrières du dégoût qu’érige le phobique. Plus encore : élargir le
champ des perceptions et sensations de celui qui n’est plus seulement un spectateur
ou un lecteur, le toucher à distance, augmenter son seuil de sensibilité : le rendre
sensible à un imperceptible qu’il ne savait savoir discerner.1 »
Selon les séries, l’artiste réalise des portraits fixes et silencieux qui génèrent un face-à-
face, une présence imposée qui provoque différents sentiments allant de l’empathie
au malaise, en passant par l’identification et l’indifférence. Son œuvre s’immisce
dans les interstices de l’art, du documentaire et de la fiction pour avant tout penser
la rencontre, la confrontation avec l’autre. Celle-ci, restituée par l’intermédiaire de
scènes réelles, fictives, choisies, montées, donne lieu à une réflexion globale portant
non seulement sur notre rapport à l’image, mais aussi à des problématiques d’ordre
existentialiste telles que la communication, le corps, le temps, les injonctions sociales,
la famille, le couple, la solitude ou encore le travail. Amélie Berrodier extrait du
quotidien de chacun un portrait esthétique et sociologique d’une humanité sobre
et ordinaire.
Julie Crenn
Justine Haelters, Mars
19min24 | France
Mars s’intéresse aux rapports entre
mémoire et fiction, s’interroge sur le
rôle de la mémoire dans l’invention
du futur comme sur sa capacité à
faire imaginer un récit à venir, sur son
influence sur l’imagination et dans la
création.
1 Evelyne Grossman. Éloge de l’Hypersensible, Paris,
Les Éditions de Minuit, 2017, p.119.
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