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Installations  Goethe Institut

son regard subrepticement suit les passages à l’autre chant ; les phrasés se succèdent,
se réitèrent, s’entraînent, avec des variations dans la durée voire dans la scansion.
Les instruments de même peuvent glisser du piano continu au gratté des cordes
alors que des mots s’imposent et que d’autres fuient. Ce qui demeure, c’est le
pouvoir d’accroche de ce AAA (Mein Herz), au diapason avec cet appel… du cœur
décliné en plusieurs langues.
Tout est mis en œuvre pour cette captation, ce ravissement : plan unique réservé
au visage en gros plan, avec une très faible profondeur du champ laissé flou,
regard adressé d’une jeune femme que les connaisseurs de la cantatrice polonaise
reconnaissent et dont les yeux bleus gris lumineux hypnotisent ceux-là et les autres.
D’abord impassible, créant l’attente, elle esquisse un sourire lorsqu’elle passe à la
chanson d’amour américaine ou reprend le sérieux pour Schubert, ou module les
lèvres pour vocaliser ou passe au parlé-chanté… ainsi sans prévenir autrement,
interprète-t-elle simultanément les quatre morceaux en les faisant un et divers à la
fois.
Elle préserve le style originel, le tempo et le rythme de chacune des œuvres mais
bientôt, elle en découpe de plus petits fragments qu’elle « coud ». Le silence porte,
la musique se détache, les mots fusionnent, les sons se heurtent mais le chant général
résiste. Le polonais, l’anglais, l’allemand deviennent des phonèmes pour la création
de nouveaux mots chantés voire pour leur seul signifiant sonore ainsi les vibrations
de la voix.
Les sons enlevés, envolés, gardent leur singularité et font autre montage musical.
Si le film footage emprunte des plans pour composer sa nouvelle phrase filmique, où
ils portent leur trace et se reconnaissent pourtant, AAA (Mein Herz) emprunte des
phrasés musicaux en une nouvelle envoûtante partition où ils deviennent notes d’un
récital d’autant plus prégnant qu’il captive là, devant, par l’image du son se faisant.

                                                                   Simone Dompeyre

Mélissa Faivre, song for being alone

boucle sur écran | 6min26 | Allemagne

                                        Song for being alone est une vidéo performative en
                                        prise unique où sons et images s’unissent en une
                                        même place physique – sans retouche numérique.
                                        Lors de cette performance liée à l’espace, la bande
                                        sonore se construit subtilement tout au long d’un
                                        mystérieux couloir ; la caméra révèle peu à peu
                                        cet endroit assez inhabituel tout en adoptant la
                                        fonction de l’auditeur. Le chemin suivi s’active et
passe par le son. L’espace et la distance provoquent, en mêlant son et vidéo, une
expérience de perception unique.

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