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URSS l’enfant né du viol. Des faits de l’après-guerre, emblématiques comme divers
éléments constitutifs, de la photographie de soldats russes attachant le drapeau
soviétique sur le Reichstag, le 2 mai 1945, si connue qu’elle figure parmi les 100
photos du siècle, du corps à demi-nu tenu par deux personnes  – synecdoque de
l’holocauste sans que jamais le mot « juif  » ne soit dit – au fusil brandi, du grand-
père en uniforme… ce qui s’insinue vient du fonds familial et la mention des camps
vient de ce qu’a souffert le grand-père mort à 50 kilomètres de la maison, dans un
tel lieu.
La réalisatrice poursuivant sa
constitution d’image de la famille
allemande de l’après-guerre avec
un humour distancié, répète la
litanie des rescapés  : personne
n’était nazi dans la famille ou pas
un vrai nazi comme l’oncle Hans, de même que par la suite, personne ne fut de la
Stasi.
Elle sait que l’histoire familiale est de l’ordre du roman avec focalisation et mensonge
par omission, édulcoration et reprise du même. Les images ne se succèdent pas
linéairement mais arrivent l’une sur l’autre, l’autre sur l’une, dans le désordre du
retour à la mémoire et des tris conscients ou pas.
Elle fait film de ses recompositions avec, ici et là, le bruit canonique du projecteur.
Elle revient à l’image de son grand-père en enfant nu turbulent mais aussi à la
décision de placer l’enfant malade en asile. De même, lors de l’épisode de la mère
et des enfants, une image de Madone impertinente troue le récit et tout aussi
rapidement, la distinction entre les enfants, dont l’une est décrite comme pleurant
ou jouant alors que le garçon suçait ses mains ; ou encore survient l’image de la
mère « maligne » poussant l’ours-allemand. Cependant, de telles images-souvenirs
glissent sur des couleurs transformant l’espace. Landstrich adjoint le récit des tests
que l’on refuse de suivre comme l’on refuse de dire le vrai.
Pourtant les dessins s’avèrent le plus souvent heureux, les portraits de la famille
s’avèrent rarement critiques hormis la pique contre l’oncle « pas vraiment nazi
mais » avec son révolver posé contre la tempe… y nage une tortue, y joue la petite
fille… des couleurs dissolvent les aspérités.
La voix organisatrice/réalisatrice de cette mémoire préfère repousser l’explication
par résultats mathématiques, organigramme et topographes et savourer l’odeur
mêlée du savon-charbon-pommes qui cirées renvoient le reflet des pages de
journaux qui alimentaient, elles, le feu de la lessiveuse – elle encore.
Une très personnelle « madeleine de Proust »… d’où sourd « la force d’avoir prise
sur le monde »… et celle du film en images aimables.

               Simone Dompeyre

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