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À propos de coup de vent / coup de foudre de Michel Digout1 :
Le philosophe Merleau-Ponty théorisant la perception : « Dans la perception, nous
ne pensons pas l’objet et nous ne pensons pas le pensant, nous sommes à l’objet et
nous nous confondons avec ce corps qui en sait plus que nous sur le monde, sur
les motifs et les moyens qu’on a d’en faire la synthèse », fait référence à un organe
central qui synthétise les sensations des divers organes sensoriels pour obtenir la
perception d’un objet.
C’est exactement ce que Michel Digout exprime avec coup de vent / coup de foudre. Il y
recherche les limites de la réduction d’une image, à savoir jusqu’où peut-on détruire
une image et quels sont les éléments qui aident cependant à son identification.
Il réussit son pari puisqu’en 3min30 et avec beaucoup d’humour, il compose une
tempête dévastatrice qui emporte absolument tout sur son passage, alors qu’un
homme tente d’aller à la source de cette tempête afin d’en comprendre l’origine.
Le film se déroule uniquement sur un fond vert où des ombres bleues construisent
tous les éléments de l’histoire. Ce qui est montré et prouvé avec beaucoup de génie,
c’est que même si la représentation d’un objet n’est pas exacte voire comme ici,
quasiment abstraite, notre perception fait la synthèse de toutes les informations que
nous emmagasinons afin de nous montrer une version différente de notre réalité
mais pas moins compréhensible.
Le son du vent, celui des objets qui tombent au sol et les bruits d’animaux rendent
la perception de l’image encore plus claire et surtout rendent le film infiniment plus
vivant et comique qui à, première vue, pourrait paraître très brouillon.
Cependant, les indices de l’histoire, les dessins et l’abstraction des figures et des
objets sont exécutés avec une telle justesse que même un très jeune enfant peut
comprendre.
Durant 3min30 le spectateur est happé par ces formes si abstraites mais si familières
à la fois. Le film souhaite la bienvenue dans son univers où tout semble possible, et
en même temps, il nous offre un sentiment de compréhension et de perception qui
rassemble tous les hommes.
Lila Mezerket
1 Cf. p. 145.
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