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Installations Quai des Savoirs
cependant ces photographies de planètes et de leurs satellites sont travaillées pour
devenir motifs, figures avec une prédilection pour la circularité. Ces images des
corps célestes dont on n’aurait retenu que la structure sous-jacente s’unissent à des
images totalement créées par divers logiciels, qui, elles, se font écho de diagrammes
et graphiques astronomiques.
Le renversement du référentiel au graphique et du pur graphique comme reflet
de démarches scientifiques provoque une tension soutenue par un montage rapide
jusqu’au stroboscopique.
Duchamp en collaboration avec Man Ray avait inauguré cette transition de l’objet
vers le concept, en une machine à moteur hypnotique, en 1920, sa Rotative plaque
de verre, optique de précision que le spectateur devait lancer, avant de se reculer et
d’être saisi voire hypnotisé.
Cosmos Obscura est film, projeté mais il reste fondé
sur la structure évolutive et sur sa virtualité.
Arcs de cercle concaves, convexes, approchés
ou opposés, segments refusant la fermeture du
cercle en verticale sur segments la refusant à
l’horizontale comme des cercles ouverts, cercles
barrés, ellipse avec cercles parents aux planètes
sur leur orbite, agrandissement jusqu’aux bords
voire les dépassant, effets kaléidoscopiques effaçant la reconnaissance de la source :
le cercle est la structure de ces sculptures filmiques toujours recommencées. Les
déclinaisons se catapultent, se succédant dans un rythme soutenu par la bande-son
de même agilité rapide, elles adoptent la même bipolarité des sources – sons de la
nature qui se lient aux sons électroniques. Loin de les naturaliser, de les apprivoiser,
la composition pour canaux octophoniques d’Irina Escalante Chernova, les filtre
en synthèse soustractive, modélise le bruit blanc, y mêle des effets de voix pour
une version stéréo… le dépassement est absolu vers l’abstraction et en un rythme
effréné.
Film purement graphique, il rejoint la lignée des artistes privilégiant l’expression
directe du tracé au détriment de la narration. Sans adopter le projet futuriste
de musique chromatique – du moins dans ce film qui opte pour le noir et blanc
détachant la forme sur le fond écranique – Katherine Balsley se fie à la force de
l’animation des formes géométriques.
Elle enivre par l’explosion rythmique de figures numériques en héritière des
années 1920, quand c’étaient dessins et peintures, sur supports variés du papier
à la plaque de verre qui étaient animés, image par image. Ainsi Ruttmann avec
Opus 1, le premier abstrait long de 13 minutes projeté en avril 1921, Viking
Eggeling avec Symphonie diagonale et Fischinger se risquent à cette écriture d’abord
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