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Projections  isdaT

des nuages et des ruisseaux avec les traces de la pluie dans la campagne et des
passants courant avec ou sans parapluie dans la ville mouillée. Un homme faisant la
planche et des bancs de poissons au bleu apaisant, plans réitérés.
Ainsi les implications de l’humain dans l’eau rejoignent-elles cette loi du mouvement,
le rapport se fait implicitement quand des cascades monumentales connues comme
« voile de la mariée »  – nom non dit  – sont suivies de l’image de mariage, celle
canonique du baiser des mariés, la jeune femme portant ce type de coiffure.
Par ailleurs, ce rapprochement constant réclamait le motif du navire qui fait
expressément le lien entre l’eau et l’humain. Le navire s’y décline en paquebot de
croisière surchargé de serpentins rejoignant le quai, en bateau de plaisance mais
aussi navire de guerre avec ses marins, plus encore ceux-ci arment le canon dont
les bruits tonitruants remplacent ceux des eaux. Le montage mêle constamment ces
diverses strates que le support Super 8 ou 16 mm unit dans une même nuance de
grains et des couleurs indicielles de l’époque, années 1940, 1950 et 1970 ; il le fait
en reprenant des plans, dans la confrontation des contraires, assaut/silence/grue
planant/forêt… Calme/brutalité : Paix/guerre ; ce qui sourd dans cette dichotomie
est un autre principe héraclitéen. En effet, le philosophe pense le cosmos régi par des
forces opposées céleste et terrestre, veille et sommeil, vie et mort. Il le pense mené
par de tels affrontements constants qui produisent la force, l’énergie nécessaire à
l’être, à la vie et le film intègre des plans de chasseur d’orage.
Un propos tenu, ainsi qu’une métaphore filée, par le montage parallèle de plans très
pâles d’une vieille dame, qui avance lentement, monte des escaliers, puis s’avance,
entre des plans de bateaux et qui gît dans son cercueil matelassé de satin brillant
avant des gros plans d’arbre sur lequel goutte de la sève ou de l’eau. En effet, si
on ne se plonge pas deux fois dans la même eau, la vie est recommencement  ;
le montage en cercle, en renvois et réanimation d’images déjà retenues le dessine
avant le silence de fin qui, lui aussi, succède à une sonorité constante et active.

L’artiste dit : « L’eau joue un rôle essentiel dans cet onirique et lent montage de
footage. La pellicule celluloïd granuleuse ramène à un monde d’autrefois. Un monde
bien antérieur à l’ère numérique. Pourtant, toutes les images viennent de YouTube,
ouvrant un contraste entre l’ancien monde pré-numérique et l’époque actuelle des
vloggers et des influenceurs des réseaux sociaux. Les temps changent. Tout change. »

                                                                   Simone Dompeyre

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