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Projections isdaT
Johanna Reich, A Drone Painting | Black Square on White Ground
3min | Allemagne
Tout commence par la vision paisible
d’une campagne filmée depuis le ciel.
Puis, la caméra glisse jusqu’à la présence
mystérieuse d’un carré blanc. Une silhouette
sombre s’avance alors et commence à
recouvrir énergiquement de peinture noire
la surface blanche.
Peu à peu, la quiétude des premiers
instants s’estompe. La vision en surplomb
enregistrée par le drone prend alors un tout autre sens. Elle se fait de plus en
plus oppressante et menaçante. L’œil du spectateur est alors embarqué dans une
curieuse complicité.
Soudain, un basculement s’opère. La silhouette se fond dans la surface noire pour
s’y évanouir définitivement. Enfin, s’entend une troublante détonation. Un coup
mortel ? Avons-nous participé à une scène de crime ? Et cela à travers les yeux de
la machine tueuse ?
On est pris d’un sentiment de vertige. La figure humaine retient l’espace noir
de la peinture, c’est-à-dire un espace de représentation comme échappatoire au
réel. En exploitant certaines des limites optiques du drone (comme l’aplatissement
des reliefs), elle parvient à le tromper et à échapper à sa surveillance et à celle du
spectateur. La confusion est totale, espace réel et espace pictural ne faisant plus
qu’un.
Ces deux carrés imbriqués dans l’espace réel et vus du ciel, m’évoquent
indéniablement l’esthétique graphique d’un logiciel de géolocalisation tel que Google
Maps. Ce pourquoi, j’y vois une réflexion sur le pouvoir conféré à ces nouvelles
entreprises qui font de nos données personnelles une source d’exploitation
commerciale. Ainsi, dans la masse d’informations créées chaque seconde, ce carré
noir est-il la métaphore d’une zone à sauvegarder ? Une zone de non-information
où l’on disparaît des écrans de contrôle ? Une zone de liberté paradoxale où notre
silence, notre non-expression nous permet de rester incalculable, insaisissable ?
Estelle Vétois
L’artiste dit : « En 1858, le photographe français Nadar a pris la première photo
d’en-haut, depuis un ballon captif. S’y déconstruit la perspective centrale héritée
du xve siècle alors que ce nouveau point de vue transforme la terre en une surface
ornementale, où tous les points de référence familiers sont à peine identifiables. A
Drone Painting | Black Square on White Ground dessine en plongée un paysage verdoyant.
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