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isdaT Projections

Claude Chuzel, 1001 Nuits

3min11 | France

                                 Une invitation à la lenteur réclamée pour saisir la
                                 matérialité de la lettre, des accords répétés du piano
                                 entourent l’espace dédié à la page. Des traces du livre –
                                 celui qui sauva la jeune Shéhérazade d’un sultan jaloux
                                 et meurtrier –, traces sur édition ancienne seulement
                                 couverte d’une page de gazette contemporaine qui,
                                 elle divulgue le vote de la mort du roi Louis XVI, du
                                 15 janvier 1793, l’autre de tradition orale est cité au
                                 xe siècle.
Des fragments en effet de pochoir et un « Entre » qui se détache sont des marqueurs
de ce film de l’interstice dont des plans d’orangé, de jaune en bande de lumière,
de tableaux amoureux de la couleur et de l’abstraction, fondent une boucle entre
les pages écrites. Et sous cette strate, au-delà de la fonction salvatrice du livre ou
de celle de transmission des nouvelles de mort par un journal, un mot incomplet
parce que couvert par ces deux textes, apporte le désir du « livre à venir ». En effet,
« olira » imprimé, là, en bas de page, appelle « l’abolira » seul mot d’une page du
Coup de dés mallarméen, poème qui en compte onze où se disséminent mots séparés,
phrases disloquées, variations en taille, majuscules, italiques dans le bonheur de
l’écriture qui pourtant pense qu’elle n’est – selon cet autre opus du poète – qu’« aboli
bibelot d’inanité sonore ». Ce mot incomplet amorce dans le poème « comme une
insinuation au silence » ramenant au « entre » fondateur de ce film. Et comment
négliger son mode d’emploi du lire avec lequel Mallarmé amorce sa préface de ce
poème-livre, avec un J détaché1 et selon lequel il réclame d’oublier toute explication
pour enfin rejoindre le texte… et relire-entendre ce texte filmique.
L’artiste explique son écriture vidéo : « Le texte est emprunté à la vidéo numérique,
il devient image fixe d’un fichier jpeg puis de nouveau matière-papier+imprimante.
Le vernis le rend imperméable, entraîne des particules d’encre, imprime le geste,
des couleurs disparaissent, parfois une monochromie s’impose… »

                                                                   Simone Dompeyre

1  « J’aimerais qu’on ne lût pas cette Note ou que parcourue, même on l’oubliât. »

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